Tindouf sous tension : la peur avant le vote du Conseil de sécurité

Bouchaib El Bazi

À la veille du vote du Conseil de sécurité des Nations unies sur le renouvellement du mandat de la MINURSO, une tension extrême règne dans les camps sahraouis de Tindouf, dans le sud-ouest de l’Algérie. Selon plusieurs sources concordantes issues à la fois de l’armée et du palais présidentiel d’El Mouradia, des unités armées du Front Polisario, appuyées par des détachements de l’armée algérienne, ont encerclé les camps sur instruction du général Saïd Chengriha – et ce, sans l’autorisation préalable du président Abdelmadjid Tebboune.

L’objectif de cette manœuvre serait clair , empêcher toute contestation interne ou tentative de fuite parmi les populations vivant sous le contrôle du mouvement séparatiste.

Une lettre de défiance adressée à la communauté internationale

Dans une déclaration diffusée le lundi 27 octobre, le Front Polisario a adressé un message catégorique à la communauté internationale, rejettant le projet de résolution soutenu par les États-Unis, les pays européens, ainsi que plusieurs États arabes, africains et latino-américains. Ce texte, qui s’inscrit dans la continuité du consensus croissant autour du plan marocain d’autonomie, est perçu par la direction du Polisario comme une « légitimation de l’occupation militaire illégale du Sahara occidental ».

Le mouvement, qui continue de revendiquer la création d’un « État sahraoui indépendant », a annoncé qu’il refuserait toute participation à un processus politique susceptible, selon lui, de « vider de sa substance le principe d’autodétermination ». Une position qui isole davantage la direction du Polisario sur la scène internationale et traduit la nervosité d’un appareil politico-militaire acculé.

Un état de siège de facto

Sur le terrain, la situation s’est nettement détériorée. Plusieurs observateurs et témoins oculaires ont confirmé la mise en place de barrages, de points de contrôle et de patrouilles armées autour des camps de Rabatni, Smara et Aousserd. Ces dispositifs, mis en œuvre conjointement par les milices du Polisario et la gendarmerie nationale algérienne, visent à empêcher les habitants de manifester ou de quitter les zones contrôlées.

Des témoignages recueillis auprès d’habitants de la wilaya de Tindouf font état d’un climat de peur et d’arrestations arbitraires, marqué par une présence militaire renforcée et des contrôles d’identité systématiques. « Nous vivons un véritable état de siège », confie un résident joint par téléphone, évoquant la fermeture progressive des axes routiers menant hors des camps.

Des signes de fronde interne

Selon des sources locales, la décision d’encercler les camps serait intervenue à la suite de manifestations spontanées au cours desquelles de jeunes Sahraouis ont dénoncé la corruption de la direction du Polisario et la dépendance totale de celle-ci vis-à-vis du régime militaire algérien.

Ces mouvements, bien que limités, traduisent un mécontentement croissant au sein d’une population lassée de la propagande et des promesses non tenues. Le désenchantement s’explique aussi par la dégradation des conditions de vie , pauvreté, isolement, chômage massif et absence de perspectives. Plusieurs ONG humanitaires alertent depuis des mois sur les restrictions à la liberté de circulation et la confiscation de l’aide internationale par les cadres du mouvement.

Deux réalités parallèles : New York et Tindouf

Alors que le monde diplomatique a les yeux rivés sur New York, où se prépare le vote sur le renouvellement du mandat de la MINURSO, la population des camps de Tindouf vit dans un huis clos étouffant. Loin des discussions multilatérales, ces hommes, femmes et enfants se retrouvent pris en otage d’un conflit qui n’a plus de sens.

Sur place, le pouvoir réel se partage entre les chefs militaires du Polisario – qui imposent leur loi au nom d’une « légitimité révolutionnaire » – et l’armée algérienne, qui justifie sa présence par la « sécurité nationale ». Entre ces deux appareils, la population civile reste prisonnière, sans voix et sans issue.

la fin d’un système de tutelle

La situation actuelle à Tindouf révèle l’essoufflement d’un modèle de contrôle imposé depuis un demi-siècle par Alger à travers le Polisario. L’appui international grandissant au plan d’autonomie marocain, soutenu par les principales puissances mondiales, réduit progressivement les marges de manœuvre du régime algérien, désormais confronté à ses propres contradictions.

Ce qui se joue aujourd’hui dans les sables de Tindouf dépasse le simple cadre humanitaire , c’est un tournant politique, celui d’un système de tutelle qui se délite sous le poids de ses propres illusions. Et pendant que la diplomatie algérienne tente de sauver la façade, la colère gronde dans les camps — silencieuse, mais bien réelle.

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