Bruxelles – Ce qui devait être la colonne vertébrale du réseau de transport moderne de la capitale belge est en passe de devenir son plus grand cauchemar institutionnel. Le projet du Métro 3, lancé il y a plus d’une décennie, s’enfonce dans les retards, les dépassements budgétaires et, désormais, dans une possible affaire judiciaire.

Ce mardi matin, le parquet de Bruxelles a annoncé l’ouverture d’une information judiciaire à la suite du rapport accablant de la Cour des comptes, publié la semaine dernière. Le procureur du Roi a saisi l’Office central pour la répression de la corruption (OCRC) afin d’examiner les irrégularités pointées par la Cour , documents manquants, erreurs dans les appels d’offres, études insuffisantes, gouvernance déficiente et risques financiers majeurs.
Fouad Ahidar, l’homme du réveil parlementaire
Derrière cette secousse politique et judiciaire, un nom revient avec insistance ,Fouad Ahidar.

Le député bruxellois (TFA) a été le premier à déposer une proposition de création d’une commission d’enquête parlementaire sur la gestion et le financement du Métro 3. Une initiative que certains observateurs qualifient aujourd’hui de « coup de clairon démocratique ».
« Ce n’est pas une croisade contre le métro. C’est un appel à la transparence et à la responsabilité. Le Parlement ne peut pas rester spectateur d’un projet dont le coût est passé d’un à près de cinq milliards d’euros, sans garantie de réalisation avant 2035 », affirmait-il dans son communiqué du 16 octobre.

Mais au sein même du conseil d’administration de la STIB, certaines voix avaient déjà exprimé leurs réserves quant à la gestion du chantier, affirme avoir « relevé plusieurs incohérences dans le choix du maître d’œuvre » à la suite de la décision de démanteler le Palais du Midi. Elle explique avoir demandé « d’envisager un changement d’entrepreneurs », estimant que la suite des événements lui a donné raison. « Pour nous calmer, ils nous ont simplement organisé une visite guidée du chantier », ironise-t-elle, en référence à la récente incursion du conseil dans la zone dite “interdite” du futur métro M3.
Dans un paysage politique souvent frileux face aux dérives administratives, Ahidar a choisi la confrontation. Il dénonce « une gouvernance fragilisée » et pointe du doigt la STIB, qui cumule les rôles de promoteur, de maître d’ouvrage et d’opérateur, « sans contrepoids externe ».
Un chantier en déroute, un symbole en péril
À Stalingrad, Lemonnier et au Palais du Midi, les riverains ne parlent plus d’un projet d’avenir, mais d’un chantier à ciel ouvert qui étouffe leur quotidien. Nuisances, pertes économiques pour les commerces, inquiétudes sur la sécurité : le rêve de mobilité s’est transformé en cauchemar urbain.
Le rapport de la Cour des comptes est venu confirmer ce que beaucoup soupçonnaient , une planification lacunaire, des dérives budgétaires colossales et une absence de contrôle démocratique réel.
À l’origine, la ligne devait relier le nord et le sud de la Région de Bruxelles-Capitale, fluidifier la mobilité et moderniser les transports publics. Aujourd’hui, elle symbolise surtout les errements d’une gouvernance éclatée entre plusieurs acteurs – STIB, Beliris, et autorités régionales et fédérales – sans coordination claire.
Vers une commission spéciale
Sous la pression croissante des élus, la création d’une commission spéciale dédiée au Métro 3 devrait être votée en novembre.
« Nous avons convenu de mettre à l’ordre du jour de la prochaine commission Mobilité les textes relatifs aux commissions d’enquête », a déclaré Jamal Ikazban (PS).
L’objectif , faire toute la lumière sur la planification, la gestion et le financement du projet, évaluer les responsabilités des différents acteurs, et formuler des recommandations sur la poursuite, l’adaptation ou même la suspension du programme.
L’électrochoc démocratique
Pour Fouad Ahidar, il s’agit avant tout de rendre des comptes à la population bruxelloise ,
« Ce projet a besoin d’un électrochoc démocratique. La population a droit à la vérité , combien cela coûtera-t-il, pour quel bénéfice, et à quel prix pour nos quartiers ? »
Une phrase qui résume le malaise d’une capitale où les grands chantiers deviennent souvent synonymes d’opacité et d’impuissance publique.
En attendant la vérité
Alors que la justice s’en mêle et que le Parlement s’éveille, le dossier du Métro 3 dépasse désormais la simple question de mobilité. Il interroge le rapport de confiance entre institutions et citoyens, la transparence de la dépense publique, et la responsabilité politique dans un projet dont le coût s’approche désormais du vertige.
Ce qui devait transporter des milliers de voyageurs vers l’avenir risque, si rien ne change, de devenir le symbole d’une gouvernance à bout de souffle.