Police belge : quand le harcèlement ronge de l’intérieur

Bouchaib El Bazi

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Le suicide d’Elisa, inspectrice de 30 ans à Charleroi et mère d’un petit garçon, a agi comme un électrochoc. En mettant fin à ses jours avec son arme de service, la jeune policière a mis en lumière un mal ancien, profond, et trop souvent étouffé au sein de la police belge , le harcèlement moral et sexuel.

Un fléau que l’ancien policier antiterroriste Éric Claessens décrit comme « gangréné dans toutes les strates de la police », et qui continue, selon lui, à s’aggraver.

Une tragédie qui révèle un système

L’affaire d’Elisa dépasse le drame personnel. Ses proches affirment qu’elle était victime de harcèlement par sa hiérarchie. Elle avait porté plainte, mais sa procédure a été classée sans suite pour « charges insuffisantes ».

Quelques semaines plus tard, la jeune femme s’est donné la mort.

Pour sa famille, le lien est évident , le silence institutionnel l’a tuée autant que la balle qu’elle a tirée.

Son cas réveille un vieux débat , le harcèlement dans la police n’est plus une exception, mais un phénomène structurel. Et, malgré les alertes, rien ne semble avoir changé.

Éric Claessens, la voix d’un lanceur d’alerte

Ancien membre de la police fédérale et de l’antiterrorisme, Éric Claessens connaît le système de l’intérieur.

Dans son livre « Derrière le serment, le harcèlement », il dénonce un climat professionnel « toxique », où règnent la peur, l’humiliation et le déni.

« On m’a changé de service parce que j’ai osé dénoncer des violences policières », confie-t-il. « On m’a harcelé, puis licencié. Rien n’a changé, et la situation empire. »

Pour lui, la responsabilité est collective , « Le harcèlement traverse tous les niveaux de la police, du local au fédéral. Même l’Inspection générale de la police ferme les yeux. »

Un climat institutionnel empoisonné

Les témoignages d’agents et d’agentes abondent.

Certains décrivent des pratiques d’intimidation, de moqueries, de mises à l’écart ou de surcharge de travail ciblée.

Les femmes, particulièrement, subissent un double poids , celui du sexisme ordinaire et celui d’un silence forcé, de peur de compromettre leur carrière.

La « loyauté au corps » devient alors un prétexte pour dissimuler l’inacceptable.

Dans un rapport récent du Comité P, 16 % des policiers fédéraux interrogés disent avoir été victimes de harcèlement au travail. Un chiffre alarmant, mais probablement sous-estimé, tant la parole reste difficile.

Les femmes en première ligne

Le drame d’Elisa révèle surtout la vulnérabilité des femmes policières. Dans un univers encore dominé par une culture masculine, la solidarité se transforme souvent en omerta. Le harcèlement peut prendre des formes multiples , remarques déplacées, affectations punitives, doutes sur les compétences, voire menaces voilées.

Ce sont des violences invisibles, mais dévastatrices.

« J’ai cru qu’en intégrant la police, je servirais la justice. En réalité, j’ai découvert une institution où le pouvoir protège ceux qui abusent », écrivait Elisa dans un message à une amie, quelques jours avant son décès.

Une menace pour la sécurité publique

Le harcèlement au sein des forces de l’ordre n’est pas seulement un drame humain , c’est une crise de confiance qui fragilise la mission même de la police.

Comment protéger les citoyens quand on ne protège pas ses propres agents ? Comment garantir la justice quand la peur règne à l’intérieur des commissariats ?

Pour Éric Claessens, le diagnostic est clair

« La police belge est gangrenée par le harcèlement. Et tant que le système refusera de se regarder en face, d’autres Elisa perdront le combat. »

Reconnaître, réformer, réparer

La balle est désormais dans le camp des autorités.

Entre le discours officiel et la réalité des couloirs, le fossé reste béant. Briser le silence, protéger les victimes, sanctionner les coupables , trois impératifs pour sauver non seulement des vies, mais aussi l’honneur d’une institution qui se veut garante de l’État de droit.

Le drame d’Elisa nous rappelle une vérité simple, mais essentielle .

le silence ne protège pas les victimes — il protège les coupables.

 

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