Coup de théâtre (ou de nostalgie ?) à l’Assemblée nationale.
Ce jeudi 30 octobre, à neuf heures tapantes, les députés français ont assisté à un moment que certains qualifieraient d’« historique » et d’autres de « symbolique », mais que l’Algérie, elle, risque de trouver franchement vexant. Le Rassemblement national, profitant de sa « niche parlementaire » — cet instant rare où ses propositions ne finissent pas dans la corbeille — a réussi à faire voter une résolution dénonçant l’accord d’immigration franco-algérien de 1968. Oui, cet accord que personne ne lit mais que tout le monde critique.
Un texte qui dépoussière 63 ans de malentendus
Guillaume Bigot, député RN et scénariste d’un drame administratif en plusieurs actes, a pris la parole pour plaider l’égalité entre étrangers, « quelle que soit leur origine ». Traduction , fini le traitement de faveur pour les ressortissants algériens, place à la méritocratie bureaucratique.
« L’Algérie française, c’est fini », a-t-il martelé. Comme si certains en doutaient encore, 63 ans après l’indépendance. L’hémicycle a vibré, les micros ont crépité, et les réseaux sociaux se sont enflammés , le passé colonial est de retour, version PowerPoint.
Un accord de 1968 qui valait de l’or (pour certains)
Rappelons que l’accord signé il y a 57 ans offrait aux Algériens un tapis rouge administratif , titres de séjour de dix ans, accès rapide au RSA et à l’Aspa, regroupement familial express.
Bref, un deal signé à une époque où la France avait besoin de bras, pas d’excuses.
Mais en 2025, la facture a un goût amer , selon un rapport explosif présenté le 15 octobre, le « coût » de ces avantages s’élèverait à 2 milliards d’euros par an.
Deux milliards pour maintenir un privilège hérité d’un passé qui, manifestement, ne passe toujours pas. De quoi faire trembler Bercy… et triompher le RN.
Quand l’hémicycle applaudit le RN (et s’en étonne)
Adoptée à 185 voix contre 184, la résolution a mis tout le monde d’accord – ou presque. Les Républicains, emmenés par Laurent Wauquiez, ont décidé de voter « avec courage », en rappelant que « l’Algérie continue d’humilier la France ». Le mot est lâché , l’humiliation, ce traumatisme bilatéral qui alimente les discours des deux côtés de la Méditerranée.
Wauquiez a d’ailleurs précisé, en bon stratège, que le problème n’était « pas les Algériens, mais leur gouvernement ». Une précision diplomatique, mais tardive , le message était déjà parti à Alger.
Marine Le Pen, radieuse et patriote
Pour Marine Le Pen, ce 30 octobre est un jour de fête nationale , « historique », dit-elle, avant même de vérifier le compteur des voix.
Troisième victoire parlementaire depuis 2023, la cheffe du RN savoure ce moment où le parti parvient à imposer son agenda, sous couvert de rationalité budgétaire et d’égalité républicaine.
Il faut dire que le texte tombe à pic , entre tensions migratoires, querelles diplomatiques et bras de fer sur les OQTF, l’Algérie reste l’épouvantail idéal d’une France en quête de repères et de boucs émissaires.
Un signal fort envoyé à Alger… et à l’électorat
À Alger, on s’indigne déjà d’une « provocation politique ». À Paris, on applaudit un « acte de souveraineté ». Mais derrière les envolées tricolores, c’est surtout une stratégie électorale bien huilée , parler d’Algérie, c’est toujours parler de la France.
Et dans une époque où les débats migratoires remplacent les débats sociaux, la nostalgie coloniale devient un outil de communication.
Épilogue : la fin d’un mythe administratif
L’accord de 1968 n’était pas seulement un texte juridique, c’était une relique. Une preuve que la décolonisation n’avait jamais été vraiment digérée. Aujourd’hui, le RN l’a ressortie, l’a dépoussiérée, et l’a utilisée comme tremplin politique.
la France s’offre une séance de psychanalyse parlementaire, pendant que l’Algérie observe, mi-offensée, mi-amusée, une République qui redécouvre son passé en feuilletant ses vieux accords comme un album de famille mal rangé.
La rupture symbolique du 30 octobre 2025 n’effacera ni l’histoire, ni les flux, ni les frustrations. Mais elle aura offert à l’Assemblée une belle pièce de théâtre , La France face à son passé – Acte II. Et comme toujours dans les tragédies franco-algériennes, le rideau tombe sur une standing ovation… et un malentendu.