Le ministre des Habous et des Affaires islamiques, Ahmed Toufiq, a dénoncé mardi devant la Chambre des conseillers les entraves rencontrées par le Maroc dans sa mission d’encadrement religieux à l’étranger, pointant du doigt le retard de certaines chancelleries étrangères à délivrer des visas d’entrée pour les prédicateurs et imams marocains, pour des motifs à caractère politique.
Selon le ministre, ces lenteurs administratives compliquent la tâche du Royaume dans la prévention des dérives idéologiques au sein des communautés marocaines établies à l’étranger, notamment en Europe, où des courants extrémistes tentent de combler le vide spirituel laissé par l’absence d’un encadrement officiel.
Un encadrement religieux au service de l’identité marocaine
Ahmed Toufiq a rappelé que la politique religieuse du Maroc vise avant tout à assurer la cohésion spirituelle et identitaire des Marocains du monde, autour du rite malékite et du référentiel marocain du juste milieu.
Malgré les obstacles diplomatiques, le ministère entend maintenir l’envoi annuel de missions de prédicateurs et de récitants pendant le mois de Ramadan, sous la supervision du Conseil supérieur des Ouléma, afin de garantir une présence religieuse marocaine cohérente et apaisée dans les pays d’accueil.
Le virage numérique du ministère
Pour contourner les blocages liés à la mobilité, le ministre a annoncé la mise en place, avant la fin de l’année, d’un programme numérique d’encadrement religieux destiné aux Marocains de l’étranger.
Ce dispositif sera disponible en cinq langues – espagnol, italien, français, anglais et allemand – et permettra de diffuser l’enseignement religieux marocain à travers des plateformes en ligne.
L’objectif, selon Toufiq, est de combler le déficit de communication avec certaines communautés tout en consolidant la présence spirituelle du Maroc dans les sociétés d’accueil.
Former les imams : un investissement stratégique
Sur le plan interne, le ministre a mis l’accent sur la formation continue des imams et prédicateurs, considérée comme une priorité stratégique du département des Habous.
Le Maroc consacre chaque année plus de 109 millions de dirhams à ce programme de perfectionnement, inscrit dans le cadre du “Pacte des Ouléma” lancé en 2008 sous la supervision du Conseil supérieur des Ouléma.
Aujourd’hui, 1 447 érudits participent à la formation de près de 48 000 imams, à travers des sessions mensuelles destinées à renforcer leurs compétences théologiques, linguistiques et pédagogiques.
Entre religion et géopolitique
Les déclarations du ministre mettent en lumière une nouvelle tension entre religion et diplomatie, alors que le modèle marocain de gestion du champ religieux s’est imposé ces dernières années comme une référence en Afrique et en Europe.
Le refus ou le retard de délivrance de visas à des imams marocains soulève la question d’un usage politique du religieux, dans un contexte international parfois marqué par des crispations diplomatiques.
Pour Rabat, la diplomatie spirituelle demeure pourtant un pilier de son influence à l’étranger. Et malgré les obstacles, le Maroc continue de promouvoir un islam du juste milieu, fidèle à sa tradition millénaire et à son rôle de passeur de paix spirituelle au-delà de ses frontières.