Ambassade du Maroc à Bruxelles : quand la commémoration de la Marche Verte tourne au cocktail tiède
Par Hanane El Fatihi
La Marche Verte devrait être une célébration vibrante, une ode à l’unité nationale, un moment de mémoire et de fierté partagée. Mais à Bruxelles, c’est une tout autre partition que l’Ambassade du Maroc a choisie d’interpréter à l’occasion du cinquantenaire (ou du 49ᵉ anniversaire, selon les versions qui circulaient entre le buffet et le pupitre). Résultat , une cérémonie fade, sans âme ni ambition, où l’émotion nationale a cédé la place à la routine diplomatique.
Créativité absente, protocole omniprésent
Le programme, s’il mérite ce nom, manquait cruellement de diversité et d’originalité.
Aucune table ronde, aucun débat d’idées, aucune exposition d’art pour honorer cette page d’histoire.
Les invités ont eu droit à un cocktail de convenance où les discours creux ont remplacé la substance, et où la hiérarchie protocolaire valait plus que la symbolique nationale.
La commémoration, censée inspirer la nouvelle génération, s’est transformée en un exercice administratif au goût d’eau tiède — sans relief, sans âme, sans Maroc.
Une diaspora ignorée, une célébration fermée
La communauté marocaine de Belgique, pourtant si dynamique et attachée à la patrie, a découvert qu’elle n’était pas conviée.
Pas de campagne d’information, pas d’annonce publique, pas même une invitation sur les réseaux officiels de l’ambassade. L’événement semblait réservé à une élite choisie, experte en applaudissements et en selfies diplomatiques.
Les jeunes, censés incarner la relève et la continuité de la Marche, étaient tout simplement absents — invisibles, oubliés, exclus.
Quand le symbole diplomatique s’évapore
Au-delà de l’aspect organisationnel, c’est surtout le message politique et diplomatique qui a disparu dans la brume bruxelloise.
La Marche Verte n’est pas une simple date du calendrier national , c’est un acte fondateur et une arme diplomatique pacifique qui porte la voix du Maroc sur la scène internationale.
Pourtant, aucune prise de parole forte, aucun plaidoyer sur la question du Sahara, aucune communication sur les avancées du Royaume.
Juste des photos officielles et des sourires convenus – la diplomatie du silence.
Neuf ans d’expérience… pour ce résultat ?
Et dire que l’ambassadeur du Maroc à Bruxelles cumule neuf années de présence à ce poste stratégique. Neuf ans, le temps de bâtir une vision, d’affiner une méthode, d’inventer une diplomatie culturelle ambitieuse.
Mais à voir le spectacle offert, on hésite entre deux hypothèses .
soit Son Excellence prend les commémorations à la légère, soit il sait déjà que son temps à la tête de la mission touche à sa fin, et préfère jouer les prolongations en roue libre.
Dans les deux cas, la symbolique est cruelle : un demi-siècle de Marche célébré comme une fin de parcours, sans souffle ni conviction.
L’occasion manquée
Cette commémoration aurait pu devenir une tribune culturelle et diplomatique , colloques, expositions, témoignages, échanges entre intellectuels marocains et européens autour du thème de la Marche et de sa portée historique.
Mais les organisateurs ont préféré miser sur la sécurité du buffet et la photo de groupe. Au royaume du protocole, la créativité reste persona non grata.
La manière dont l’ambassade du Maroc à Bruxelles a célébré cette date hautement symbolique illustre une incompréhension du moment et de sa portée.
Quand la diplomatie se contente d’un rituel convenu, elle perd sa force d’influence et son pouvoir de conviction.
La Marche Verte fut un acte audacieux, collectif et inspirant. Il serait temps que la diplomatie marocaine à l’étranger s’en inspire — et qu’elle engage, elle aussi, sa propre marche verte vers la créativité, la proximité et le sens.