Résolution 2797 : quand l’ONU parle sérieusement… et que l’Algérie continue de jouer à la marelle diplomatique
Par Bouchaib El Bazi
Depuis l’adoption de la résolution 2797 du Conseil de sécurité, le 31 octobre 2025, consacrant l’autonomie sous souveraineté marocaine comme base unique des négociations sur le Sahara, un grand silence règne à Alger. Un silence épais, presque embarrassé, que les diplomates tentent de maquiller en « réflexion stratégique ». Mais derrière cette comédie feutrée, une vérité s’impose , l’Algérie ne sait plus quoi dire, ni surtout à qui le dire.
Car après avoir dit « non », puis « oui, mais pas tout à fait », ensuite « peut-être », avant de finir sur un « nous nous abstenons, mais nous avons gagné », la diplomatie algérienne s’est transformée en un sketch kafkaïen.
Un jour, elle revendique la victoire. Le lendemain, elle dénonce une injustice. Et le surlendemain, elle feint de n’être concernée par rien. C’est à se demander si le ministère algérien des Affaires étrangères n’a pas été remplacé par une troupe de théâtre d’improvisation.
Une résolution limpide, une confusion assumée
Le texte du Conseil de sécurité ne laisse aucune place au doute : les parties au conflit – Maroc, Algérie, Mauritanie et “Polisario” – sont sommées de participer aux négociations, sans conditions préalables, sur la base du plan marocain d’autonomie.
C’est écrit noir sur blanc, en toutes lettres, sans virgule de secours.
Mais à Alger, on préfère la lecture créative : « Le Maroc a perdu, puisque nous avons empêché un texte encore plus favorable à Rabat », a-t-on osé dire.
Une logique digne d’un joueur de poker qui se félicite d’avoir perdu avec élégance.
Quand De Mistura remet les pendules à l’heure
Lors d’une conférence de presse à New York, un journaliste connu pour sa proximité avec les cercles algériens tenta une pirouette , « Il s’agit donc de deux parties au conflit ? » demanda-t-il innocemment.
Le médiateur onusien, Staffan de Mistura, répondit sèchement :
« Les parties sont clairement identifiées : le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie et le Polisario. »
Traduction diplomatique , l’Algérie n’est plus spectatrice, mais bien actrice principale.
Un rappel poli, mais cinglant – une gifle en gants blancs administrée sur la scène onusienne.
Ahmed Attaf ou l’art du déni télévisé
Sur la chaîne AL24 News, bras médiatique du pouvoir, le ministre des Affaires étrangères Ahmed Attaf a livré une performance à mi-chemin entre la comédie et le déni collectif.
D’un ton grave, il déclara :
« Nous avons demandé la suppression du paragraphe mentionnant la souveraineté marocaine. Comme cela n’a pas été fait, nous nous sommes abstenus. »
On croirait entendre un enfant expliquer pourquoi il a refusé de manger ses légumes : « J’allais le faire, mais il y avait du brocoli. »
Si la diplomatie était un art dramatique, Attaf serait sans doute nominé aux Molières.
Un rituel bien huilé : contester pour exister
Depuis 2020, chaque résolution onusienne sur le Sahara est pour Alger une occasion d’indignation nationale.
En 2020, la résolution 2548 était « déséquilibrée ».
En 2021, la 2602 était « partiale ».
En 2022, la 2654 était « le fruit d’une rédaction laborieuse ».
En 2024, enfin, on se contenta d’un silence boudeur, faute d’arguments nouveaux.
Mais 2025 change la donne : le nom de l’Algérie figure désormais noir sur blanc dans la résolution.
Impossible de dire : « Nous ne sommes pas concernés ».
Le Conseil de sécurité a parlé, et pour une fois, il a cité l’élève distrait au fond de la classe.
Du chapitre VI au chapitre VII : la fin de la récréation
Ce qui rend cette résolution redoutable, ce n’est pas seulement sa clarté, mais son tournant juridique.
Depuis trente ans, le dossier du Sahara relevait du chapitre VI de la Charte des Nations unies – celui des vœux pieux et des bonnes intentions.
Mais désormais, la tonalité évolue vers le chapitre VII, celui des obligations, des sanctions, et parfois… des interventions.
Le politologue Abdel Fattah Naoum le résume ainsi :
« En continuant à manipuler le Polisario, l’Algérie prend le risque d’être associée à une entité armée considérée comme terroriste. Le Congrès américain discute déjà d’un projet de loi en ce sens. La frontière entre soutien politique et complicité devient dangereusement fine. »
Le compte à rebours est lancé
Le 31 décembre prochain, l’Algérie quittera son siège de membre non permanent du Conseil de sécurité.
Ironie du sort : elle partira sans avoir voté les deux résolutions les plus importantes de son mandat, celles qui la concernent directement.
En avril 2026, De Mistura présentera son rapport d’étape. Et sauf retournement miraculeux, il devra y noter l’absence de participation d’un pays… pourtant expressément convoqué.
A force de fuir la table, on finit sur la table
La résolution 2797 n’est plus une suggestion, c’est une obligation.
Et dans le grand théâtre diplomatique, l’Algérie joue désormais le rôle du figurant qui refuse de dire sa réplique, pensant que la pièce s’arrêtera sans lui.
Mais la scène continue, avec ou sans sa présence.
Le Maroc avance, le Conseil de sécurité observe, et l’Algérie hésite — coincée entre son orgueil et sa peur de l’isolement.
Et pendant qu’à New York, les diplomates parlent d’avenir, à Alger, on s’accroche encore à un passé imaginaire.
Quand l’ONU parle le langage du droit, certains préfèrent encore répondre en dialecte du déni.