Belgique – Nizar Trabelsi, du terrain de foot à la comptabilité de l’État , quand la justice vous coûte… 350.000 euros
Rime Medaghri
Parfois, l’actualité belge ressemble à un sketch où l’on ne sait plus très bien si l’on doit rire, applaudir… ou simplement vérifier que l’information ne provient pas d’un compte parodique. Mais non , Nizar Trabelsi, l’ancien footballeur tunisien devenu figure tristement célèbre du terrorisme, a bel et bien reçu 350.000 euros de l’État belge, confirment la VRT, De Standaard et même la ministre de la Justice, Annelies Verlinden, devant la Chambre. Quand l’absurde devient institutionnel, il suffit de prendre des notes : on tient un papier pour la presse.
Un passé judiciaire lourd comme un rapport du Comité P
Petit flash-back. En 2004, Trabelsi est condamné à dix ans de prison en Belgique pour planification d’un attentat contre la base militaire de Kleine-Brogel, ainsi que pour détention illégale d’armes et appartenance à Al-Qaïda. Un CV qui ferait frémir n’importe quel recruteur, sauf peut-être celui de certaines filières djihadistes.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. L’homme est ensuite extradé vers les États-Unis—illégalement, selon la justice belge. Il passera plus de dix ans dans des conditions que ses avocats décrivent comme « abominables », avant d’être… totalement acquitté des faits reprochés par la justice américaine. Oui, totalement. On a vérifié : pas partiellement, pas moyennement. Totalement.
Quand la Belgique se sanctionne elle-même
Et c’est ici que l’affaire bascule dans ce théâtre bureaucratico-judiciaire que les chroniqueurs adorent. La Belgique, condamnée par ses propres tribunaux pour avoir violé ses propres décisions de justice dans cette affaire, se retrouve obligée d’indemniser… l’homme qu’elle avait tenté d’extrader coûte que coûte.
Les avocats de Trabelsi – Chantal Moreau, Thierry Moreau et Julien Hardy – ne manquent pas d’ironie dans leur réaction :
« L’État belge doit beaucoup à M. Trabelsi », affirment-ils, l’air presque paternel, comme s’ils parlaient d’un créancier oublié dans un classeur poussiéreux.
Bruxelles aurait commis « de nombreuses violations de décisions de justice », et l’extradition vers les États-Unis, déclarée illégale, est décrite comme l’élément déclencheur de cette indemnisation royale.
350.000 euros : un prix pour la dignité… ou pour l’incompétence ?
La somme impressionne, surtout en période de disette budgétaire où chaque secrétaire d’État se bat pour économiser trois trombones et une cartouche d’encre.
Mais ici, pas de rabais : 350.000 euros sonnants et trébuchants, payés par un État qui semble découvrir qu’en démocratie, il faut parfois respecter la justice — surtout la sienne.
On aurait pu imaginer un arrangement plus poétique — un mea culpa public, un diplôme honorifique de « citoyen lésé par la bureaucratie », voire un abonnement gratuit à la Monnaie — mais non. La Belgique paie, car c’est la loi. Une loi qu’elle avait soigneusement ignorée au passage.
Une affaire qui dérange : à qui la faute ?
Le cas Trabelsi pose une question dérangeante , comment un État qui ne cesse d’invoquer l’État de droit peut-il accumuler, dans un même dossier, autant d’erreurs que de buts encaissés par Anderlecht lors d’une mauvaise saison ?
S’agit-il d’une défaillance juridique ? Politique ? Administrative ?
Ou d’un cocktail national, mélange typiquement belge de lenteurs, de malentendus et d’obstination où l’on finit, comme toujours, par ouvrir le portefeuille pour éviter le scandale ?
Quand la Belgique joue contre son camp
L’affaire Trabelsi restera un cas d’école , celui d’un État qui a voulu jouer la fermeté, mais a été rappelé à l’ordre par sa propre justice… avant de devoir indemniser l’homme qu’il avait tenté d’écarter.
On dit souvent que la Belgique est un pays surréaliste. Cette fois, elle nous rappelle qu’elle peut aussi être… coûteusement surréaliste.