MolenGeek : quand l’incubateur vedette de Molenbeek découvre les joies d’une enquête judiciaire

Majdi Fatima Zahra

Il fut un temps où MolenGeek brillait comme la start-up miracle censée transformer Molenbeek en quartier général de la tech européenne. On y formait à la chaîne des codeurs, des entrepreneurs, des rêveurs… Bref, tout ce qui fait vibrer une certaine Belgique progressiste persuadée qu’un laptop et trois beanbags suffisent à sauver le monde.

Mais voilà , depuis l’été dernier, la success-story commence à ressembler à un tutoriel de programmation… qui plante à l’étape 2.

La faute à une information judiciaire ouverte par le parquet de Bruxelles pour des suspicions d’infractions aux subsides. Une expression élégante pour dire : « quelqu’un, quelque part, veut comprendre où passent les sous ».

L’OCRC s’invite : quand la lutte anticorruption débarque avec sa loupe

L’affaire a été confiée à l’Office central pour la répression de la corruption (OCRC). Autrement dit, pas les stagiaires du mercredi, mais les gens qui savent lire une comptabilité comme d’autres lisent un roman noir. Selon plusieurs sources concordantes, ils ont déjà procédé à des auditions multiples, histoire d’évaluer si la transparence financière de MolenGeek est une fonctionnalité… ou un bug.

Et c’est là que tout devient joyeusement absurde :

officiellement, l’ASBL ne compte aucun employé. Zéro. Nada. Pas même un demi-temps administratif pour trier les factures.

En revanche, les formateurs, eux, sont rémunérés par des sociétés privées appartenant au cofondateur, Ibrahim Ouassari.

Un montage parfaitement légal, nous dit-on. Peut-être. Mais disons que ça mérite, au minimum, un onglet Excel bien verrouillé.

Ouassari “ravi” de l’enquête – ce qui n’arrive en général jamais

Contacté, le visage public de l’ASBL affirme… ne pas être au courant de l’enquête. Petite surprise.

Mais à peine informé, il se dit enchanté : « S’il y a vraiment une information judiciaire, c’est très bien. Nous sommes prêts à collaborer pleinement. Tout est correctement fait, documenté et audité », assure-t-il.

Une réaction si sereine qu’on en viendrait presque à croire qu’il attendait l’enquête comme d’autres attendent les soldes d’hiver.

Le départ des partenaires : l’hémorragie silencieuse

Comme si cela ne suffisait pas, MolenGeek subit depuis des mois une véritable désertion de ses prestigieux partenaires.

Bruxelles Formation, la Défense, Actiris, et même Google – oui, Google, dont la trésorerie est précisément ce qu’elle est – ont décidé de mettre fin à la collaboration.

Quand les partenaires publics s’en vont, c’est inquiétant.

Quand Google s’en va, c’est que le cloud commence à sentir le brûlé.

La fin d’une légende urbaine tech ?

MolenGeek a longtemps été présenté comme un modèle , un laboratoire social, un hub digital, un conte de fées 2.0 dans un quartier trop habitué à faire la une pour de mauvaises raisons.

Aujourd’hui, l’histoire prend une tournure plus banale , celle d’une structure qui, à force d’empiler subsides, projets, extensions, formations express, partenariats prestigieux et storytelling héroïque, a peut-être oublié la règle n°1 de la tech , les bugs finissent toujours par remonter à la surface.

Et l’OCRC, lui, ne fait jamais de mises à jour silencieuses.

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