Transferts des Marocains du monde : le Maroc arrache un accord à la France avant que l’Europe ne coupe le cordon ombilical

Bouchaib El Bazi

Après des mois de négociations intenses, de sueurs froides et de diplomatie de couloir, le Maroc peut enfin respirer un peu mieux. Paris a fini par lâcher du lest. Face à une directive européenne qui menaçait ni plus ni moins d’asphyxier les transferts d’argent des Marocains de l’étranger – ce précieux flux d’oxygène pour l’économie nationale – Rabat vient de décrocher un accord crucial avec le Trésor français, prévu pour être finalisé en juillet prochain.

Un premier pas. Une victoire partielle. Mais aussi, un signal , toucher aux transferts des MRE, c’est comme vouloir interdire le thé à la menthe dans les douars. Une ligne rouge.

Quand le Trésor français “comprend” enfin que le Maroc n’est pas la City de Londres

C’est avec un soupir de soulagement que le très respecté wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, a déclaré mardi 24 juin :

« Je suis désormais plus rassuré. La Trésorerie française a bien compris les difficultés posées par cette directive européenne… »

Traduction libre : après leur avoir envoyé toutes les études, les tableaux Excel et les PowerPoints possibles, ils ont fini par admettre que non, les banques marocaines ne sont pas des filiales de Wall Street déguisées.

Et surtout, que ces banques sont le trait d’union vital entre les Marocains de l’étranger et leur pays d’origine, et par ricochet, entre Rabat et son équilibre macroéconomique.

Directive européenne : une arme anti-Brexit devenue boomerang pour Rabat

Petit rappel utile , à l’origine, cette directive européenne – signée par la très technocratique FISMA, bras financier de la Commission européenne – visait à freiner les ardeurs des banques britanniques post-Brexit. Très bien. Mais dans leur zèle, les eurocrates ont oublié de cocher la case “effets collatéraux”. Résultat , les banques marocaines opérant en Europe se retrouvent dans le collimateur.

Imaginez , des agences bancaires, des guichets, des services de transfert, tous menacés de devoir fermer boutique au 1er janvier 2026. Pour un continent qui ne cesse de prêcher la coopération Sud-Nord, cela fait un peu désordre…

“Cellule permanente”, mission commando et diplomatie ciblée

Face à la menace, Rabat a sorti l’artillerie lourde : création d’une cellule de crise regroupant Bank Al-Maghrib, les ministères des Finances, des Affaires étrangères, et plusieurs banques nationales.

Objectif , convaincre l’Europe que le Maroc ne mérite pas ce traitement. Pas facile, surtout quand on doit faire comprendre à Bruxelles que l’argent envoyé chaque mois par Fatima de Lyon à sa mère à Ouarzazate n’a rien à voir avec du blanchiment d’argent.

Stratégie réaliste , convaincre d’abord la France, puis les autres… s’ils sont de bonne humeur

Le Maroc a donc opté pour la stratégie du domino inversé , commencer par convaincre la France, qui représente à elle seule plus de 30 % des transferts des MRE, puis faire levier sur cette percée diplomatique pour amener les autres partenaires européens (Espagne, Belgique, Italie, Pays-Bas) à revoir leur copie.

Pour une fois, la France n’a pas dit “non” d’instinct, mais “oui, mais… en juillet.” On prend.

2026 : la ligne d’horizon… ou le prochain mur

Le wali de Bank Al-Maghrib reste confiant , d’ici fin 2026, tout sera résolu. Traduction pour les plus sceptiques , si tout se passe bien, les MRE continueront de transférer leurs dirhams comme si de rien n’était. Et si ça se passe mal ? Eh bien, on improvisera, comme toujours.

Toucher aux transferts, c’est comme taxer les prières… ça ne se fait pas

En attendant, l’affaire nous rappelle une vérité universelle , les MRE ne sont pas qu’une diaspora, ce sont des mécènes collectifs du pays. Toucher à leurs transferts, c’est toucher à la paix sociale, au couscous du vendredi, et au projet d’agrandissement de la maison familiale.

Que Bruxelles le sache , le Maroc peut discuter d’accords de pêche, de visas, de climat… mais pas des transferts. Là, c’est sacré.

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