Charleroi : Quand Ducarme voit du terrorisme dans la liberté d’expression, Belkatir remet les pendules à l’heure

Bouchaib El Bazi

Bruxelles – Il semblerait que Denis Ducarme ait trouvé une nouvelle vocation , celle de chasseur de sorcières… ou plutôt, de chasseurs d’idées divergentes. Lundi soir, lors du conseil communal de Charleroi, une interpellation citoyenne défendant les droits des Palestiniens a provoqué chez le député MR une réaction qui ferait passer un détecteur de mensonges pour un poète.

« Il faut alerter la justice ! » a-t-il lancé, comme s’il venait de déjouer une conspiration en direct de l’hôtel de ville. En ligne de mire , une déclaration d’un représentant de la plateforme Charleroi-Palestine, affirmant que « le peuple palestinien a le droit de se défendre avec les armes », évoquant entre autres le Hamas. Pour Ducarme, pas besoin d’experts ni de débat parlementaire , voilà une infraction à caractère terroriste. Rien que ça.

Face à ce zèle judiciaire improvisé, Naima Belkatir, échevine à Schaerbeek PS, a répondu avec un calme tranchant :

«Quant M.Ducarme souhaite faire taire la démocratie et la liberté d’expression : Ce n’est pas de la haine que de défendre la justice. Manifester, dire la vérité, ce n’est pas un crime. Ce n’est pas du terrorisme. »

Une phrase simple, lucide, mais visiblement trop complexe pour ceux qui confondent discours politique et menace armée.

Quand la démocratie devient allergique à la parole citoyenne

On pourrait presque rire si l’enjeu n’était pas aussi grave. Car ce qui s’est joué à Charleroi dépasse un simple désaccord de ton ou de vocabulaire. Il s’agit là d’un combat entre deux visions de la démocratie , l’une qui accepte la pluralité, y compris la critique du statu quo, et l’autre qui érige un cordon sanitaire autour de toute voix dissonante – surtout si elle ose prononcer le mot « Palestine » sans s’excuser.

À ce rythme-là, on peut s’attendre à voir Ducarme demander la fermeture de toutes les bibliothèques municipales diffusant des livres de Edward Said ou Mahmoud Darwich, ces dangereux intellectuels pro-livres et anti-clichés.

L’antiterrorisme version théâtre municipal

Le plus ironique ? Le bourgmestre PS Thomas Dermine a été clair , « Il n’y a eu aucune apologie du terrorisme dans cet hémicycle. » Mais visiblement, la réalité n’a jamais arrêté une indignation performative bien ficelée. Pour Ducarme, tout ce qui ne s’aligne pas sur son prisme idéologique mérite l’intervention de la justice, voire – pourquoi pas – des unités spéciales.

Doit-on rappeler qu’une interpellation citoyenne, dans un conseil communal, relève du droit démocratique et non d’un appel à l’insurrection ? Doit-on aussi rappeler que dénoncer l’occupation, la colonisation et la répression ne constitue pas une prise d’otage politique, mais l’expression d’un combat universel pour les droits humains ?

Belkatir, voix de la raison dans un vacarme de caricatures

Naima Belkatir n’a pas seulement défendu un droit à la parole. Elle a mis en lumière l’essentiel , quand la défense des opprimés devient un prétexte à la criminalisation de la parole, il ne reste plus grand-chose de la démocratie, sinon ses murs et ses micros.

En fin de compte, l’intervention de Ducarme ressemble moins à un appel républicain qu’à une tentative désespérée de jouer le premier rôle dans une pièce dont il ne comprend plus le texte. Et si défendre la Palestine devient une zone interdite de la parole publique, alors oui, la démocratie est bien en danger, mais pas là où il le croit.

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