Après le 13 juin : Israël, l’Iran et le retour fracassant de la doctrine Begin
Depuis le 13 juin 2025, les cieux du Golfe sont devenus le théâtre d’un échange sans précédent de missiles balistiques et de drones kamikazes. Le fracas des explosions, relayé par les chaînes d’information en continu, a laissé place à une question de fond , sommes-nous entrés dans une nouvelle ère de confrontation ouverte entre Israël et la République islamique d’Iran ?
Alors que les projectiles fusaient, les commentaires médiatiques oscillaient entre légitimation de l’autodéfense israélienne et dénonciation d’un acte de guerre prémédité. Mais les intentions de Tel-Aviv ne laissent guère place au doute , la frappe du 13 juin visait explicitement à neutraliser les capacités balistiques et nucléaires iraniennes, quelques heures à peine après la résolution de l’AIEA condamnant Téhéran, et à la veille des pourparlers cruciaux prévus à Amman entre Washington et les négociateurs iraniens.
Le retour d’une vieille doctrine pour une guerre nouvelle
Dans cette confusion stratégique, un nom refait surface avec insistance , celui de Menahem Begin. En 1981, sous son mandat, Israël menait l’opération « Babylone » contre le réacteur nucléaire irakien d’Osirak, affirmant une doctrine simple mais implacable , aucun État arabe ne devait accéder à l’arme atomique.
La « doctrine Begin » – que d’aucuns pensaient reléguée aux archives de la Guerre froide – s’impose à nouveau comme grille de lecture des récents événements. En frappant l’Iran de manière unilatérale, Israël applique à la lettre ce principe stratégique , la prévention par l’attaque. Et ce, malgré les conséquences internationales.
Une réponse iranienne sous contrôle, un jeu d’équilibriste
La réplique de Téhéran fut calibrée : des attaques ciblées contre des bases américaines en Irak et au Qatar, dûment signalées aux autorités locales – un subtil exercice d’équilibrisme entre posture de fermeté et volonté de désescalade. L’Iran a adopté la logique du « œil pour œil » , à chaque installation frappée, une riposte symétrique. Mais ce théâtre de la vengeance ne cache qu’à peine une fébrilité croissante du régime.
Face à l’option d’un affrontement ouvert – notamment via la fermeture du détroit d’Ormuz ou une attaque directe sur des bases de l’OTAN – Téhéran s’est résolu à des choix de façade, préservant l’essentiel : son pouvoir de négociation.
Un choc géopolitique à résonance économique
Au-delà des considérations militaires, la frappe du 13 juin a ébranlé l’économie mondiale , flambée des cours du pétrole, envolée de l’or, paniques boursières… Les répercussions dépassent le Golfe. Car cette guerre-là est aussi une guerre des nerfs, des marchés et des alliances.
Les chancelleries européennes – Paris, Berlin, Londres – ont tenté une médiation de dernière minute à Genève. Sans grand succès. La logique de dissuasion atomique semble avoir été remplacée par une logique de démonstration de force. Une constante, néanmoins, persiste , la défiance radicale entre l’État hébreu et le régime des mollahs.
Vers un réalignement des alliances ?
Le conflit du 13 juin a aussi ravivé les lignes de fracture régionales. L’attaque – indirecte – contre la base américaine d’Al-Udeid au Qatar a été perçue comme un avertissement aux monarchies sunnites du Golfe. Un signal fort, au moment où celles-ci cherchent un nouveau positionnement stratégique entre Washington, Tel-Aviv et Pékin.
Du côté iranien, les cartes sont brouillées. L’axe Téhéran-Moscou-Pékin reste officiellement solide, mais la nervosité croissante en interne – conjuguée à une pression diplomatique inédite – rend l’équation instable.
Et maintenant ?
Une chose est certaine , l’Iran ne peut plus prétendre exporter sa révolution sans coût. La logique de confrontation systématique, que ce soit via ses proxies au Liban, en Syrie, en Irak ou à Gaza, a montré ses limites. La frappe israélienne du 13 juin, couplée aux révélations sur l’implication directe du régime iranien dans des actes hostiles à l’étranger, pousse Téhéran dans une impasse stratégique.
Le régime iranien, fragilisé économiquement et contesté socialement, est sommé de choisir entre l’escalade suicidaire et une désescalade négociée.
En attendant, Israël maintiendra, coûte que coûte, sa doctrine sécuritaire. Et tant que la doctrine Begin restera en vigueur, nul réacteur ne pourra s’ériger en Iran sans faire face à la menace d’une frappe préventive.