ISWAP, influenceur de l’année : quand le djihadisme devient une start-up du marketing digital

Bouchaib El bazi

Rabat – Il fut un temps où l’on craignait les idéologues barbus armés de kalachnikovs et de cassettes VHS. Aujourd’hui, les kalachnikovs sont toujours là, mais les cassettes ont cédé la place à des vidéos TikTok bien montées et à des reels Instagram calibrés pour séduire une jeunesse en quête de sens… et de Wi-Fi. Bienvenue dans l’ère du djihadisme 2.0, avec ISWAP en tête d’affiche, faction régionale de Daech devenue, en l’espace de quelques années, une agence de communication avec AK-47 intégrée.

Califat & Community Management

Oubliez les bases poussiéreuses en Afghanistan : l’avenir du califat se joue désormais sur Canva et Telegram. ISWAP, acronyme qui pourrait presque sonner comme une crypto-monnaie, s’est réinventé en start-up de l’extrémisme. Leur créneau ? Vendre à la jeunesse nord-africaine une « hijra » en Afrique de l’Ouest, façon Erasmus mais sans Erasmus, ni retour. En story , des jeunes barbus en treillis, sourires radieux et armes rutilantes, façon « influenceur lifestyle », vantant un paradis djihadiste façon Airbnb de la charia.

Un marketing ciblé, des publics captifs

Les recruteurs de l’organisation ne laissent rien au hasard : précarité, chômage, frustrations existentielles… ils connaissent leur audience mieux qu’un community manager de fast-food. Leur cible ? Une jeunesse marocaine et maghrébine désabusée, qui switche entre des offres d’emploi bidons et des vidéos de propagande filmées en 4K. Parce qu’après tout, si l’État te laisse tomber, pourquoi ne pas rejoindre un État autoproclamé ?

Le Maroc contre-attaque (avec algorithme)

Face à cette offensive virale, le Maroc, jamais à court d’initiatives, riposte en version premium. Caméras intelligentes, surveillance des réseaux sociaux, coopération régionale et partage de données , Rabat a activé le mode « cyber-paladin ». Il s’agit de repérer les tweets explosifs avant qu’ils ne deviennent… littéralement explosifs. Et si ça ne suffit pas, il y a toujours la vieille méthode : démanteler une cellule terroriste au petit matin, devant les caméras, avec le sens du timing d’un clip Netflix.

L’Afrique de l’Ouest, nouvelle Silicon Valley du djihad ?

Le projet d’ISWAP va plus loin , bâtir un califat dans la région sahélienne, à mi-chemin entre une utopie religieuse et une dystopie armée. Le tout avec une stratégie digne des meilleurs incubateurs , occupation de territoires vacants (merci aux États défaillants), formations sur le tas (arme en main), et intégration des réalités locales (parfois même avec des stages d’adaptation culturelle pour djihadistes expatriés). Airbnb n’a qu’à bien se tenir.

L’Europe en embuscade, avec la boule au ventre

Pendant ce temps, en Europe, on observe la situation d’un œil inquiet, entre deux sommets sur la sécurité et une crise migratoire. L’idée que le Sahel devienne un « hub » de la terreur mondialisée fait frémir les chancelleries, qui redoutent le retour d’un Daech, saison 2, plus localisé, plus connecté, et toujours aussi sanglant.

L’algorithme ou la kalach’

La guerre ne se joue plus uniquement dans le désert ou les montagnes. Elle est désormais virale, littéralement. ISWAP, start-up du djihad, a compris ce que bien des gouvernements n’ont pas encore saisi , à l’ère numérique, les armes ne sont efficaces qu’avec un bon storytelling. Face à cela, la contre-offensive marocaine devra conjuguer efficacité sécuritaire, justice sociale et… compétences en communication. Parce qu’après tout, pour gagner la guerre des idées, il faut aussi savoir séduire l’algorithme.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.