Le Maroc déploie une initiative stratégique pour offrir un accès à l’Atlantique aux pays du Sahel

Mahdi Fatima Zahra

Bruxelles – Le Maroc a lancé un projet ambitieux visant à offrir aux pays enclavés du Sahel un accès direct à l’océan Atlantique par le biais d’un réseau routier s’étendant sur plusieurs milliers de kilomètres. Ce chantier géopolitique et économique d’envergure, bien que confronté à des défis sécuritaires majeurs dans une région marquée par l’instabilité et la présence de groupes armés, bénéficie d’un soutien croissant et d’une vision stratégique marocaine affirmée.

L’initiative a été dévoilée en 2023 dans un discours du roi Mohammed VI, qui a proposé le lancement d’« une initiative internationale visant à permettre aux États du Sahel d’accéder à l’océan Atlantique », soulignant l’importance stratégique du littoral atlantique du Sahara occidental, région disputée avec le Front Polisario soutenu par l’Algérie.

Un double objectif stratégique pour Rabat

Au-delà de l’enjeu régional, le Maroc ambitionne, à travers ce projet, de renforcer son influence sur le continent africain tout en stimulant le développement économique de ses provinces du sud. Celles-ci sont géographiquement les plus proches des pays sahéliens, à un moment où les relations de l’Algérie avec ces derniers traversent une période de tensions.

Un contexte régional instable

L’initiative s’inscrit dans un contexte marqué par des bouleversements géopolitiques au Mali, au Burkina Faso et au Niger, pays riches en ressources naturelles, dirigés par des juntes militaires arrivées au pouvoir entre 2020 et 2023 à la suite de coups d’État successifs. Ces États se sont progressivement éloignés de la France, ancienne puissance coloniale, pour se rapprocher de la Russie.

Face à cette réorientation, l’Union africaine et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont adopté des sanctions qui ont accru l’isolement de ces pays. Le 29 janvier 2024, ils ont officiellement quitté la CEDEAO, dénonçant des sanctions « inhumaines, illégales et illégitimes », et reprochant à l’organisation son alignement sur la France ainsi que son inefficacité dans la lutte contre le terrorisme.

Rabat, un partenaire régional de confiance

Fin avril, les ministres des Affaires étrangères du Niger, du Mali et du Burkina Faso ont été reçus à Rabat par le roi Mohammed VI. À cette occasion, le chef de la diplomatie nigérienne, Bakary Yaou Sangaré, a souligné que le Maroc avait été « l’un des premiers pays à comprendre notre situation alors que la CEDEAO menaçait d’intervenir militairement ». Les trois ministres ont exprimé leur engagement à accélérer la mise en œuvre du projet.

Un accès stratégique alternatif

Actuellement, les pays du Sahel dépendent de ports situés dans des pays membres de la CEDEAO (Bénin, Togo, Sénégal, Côte d’Ivoire, Ghana). Toutefois, les tensions diplomatiques croissantes compromettent cet accès, renforçant la pertinence et l’urgence de l’initiative marocaine.

Malgré les interrogations sur la faisabilité logistique et les conditions de financement, de nombreux observateurs estiment que les menaces sécuritaires et les instabilités régionales ne devraient pas entraver la réalisation de ce méga-projet. Son importance stratégique, combinée à l’appui d’acteurs internationaux et à l’expertise marocaine en matière d’infrastructures, constitue un levier déterminant.

Un projet soutenu par les grandes puissances

Selon la revue spécialisée marocaine Afrique en Mouvement, les États-Unis, la France ainsi que plusieurs pays du Golfe auraient exprimé leur soutien officiel et pourraient contribuer au financement. Le projet prévoit la création d’un corridor routier reliant le Maroc à la Mauritanie, au Burkina Faso, au Mali, au Niger et au Tchad, pour un coût estimé à un milliard de dollars, selon Abdelmalek Alaoui, président de l’Institut marocain d’intelligence stratégique.

Un projet conscient des défis sécuritaires

Alaoui souligne que la sécurité reste un facteur clé pour la réussite de l’initiative. « Toute escalade dans cette région vulnérable pourrait freiner les travaux », avertit-il. Néanmoins, la conception du projet intègre ces réalités en misant sur la résilience et l’adaptabilité.

La chercheuse Beatriz Meza, de l’Université Internationale de Rabat, rappelle quant à elle les échecs répétés des opérations européennes comme Barkhane, et estime que le Maroc, « situé à l’intersection de l’Afrique et de l’Occident, peut capitaliser sur ces défaillances en se positionnant comme un partenaire fiable pour l’Europe et l’Afrique ».

Une infrastructure portuaire déjà en construction

Le futur port en eaux profondes de Dakhla Atlantique, situé dans la région d’El Argoub, jouera un rôle central dans ce dispositif. Lancé fin 2021 pour un coût de 1,2 milliard d’euros, le projet est achevé à hauteur de 38 % et devrait être opérationnel en 2028. Il symbolise la volonté du Maroc de concrétiser sa vision à long terme au service de la stabilité et de la croissance régionale.


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