Les Amis du Maroc : l’ASBL de l’inaction diplomatique bien financée

Bouchaib El Bazi

Dans la jungle florissante des ASBL bruxelloises, il en est une qui mérite qu’on s’y attarde, non pas pour son efficacité redoutable, ni pour son impact politique, mais pour son art de faire beaucoup… avec rien. Les Amis du Maroc, fondée en 2019, est l’exemple parfait de ce que la diplomatie parallèle peut produire quand elle est confiée à une bande de retraités bien peignés, peu influents, mais passionnés par les buffets cinq étoiles.

Présidée par le très distingué baron Francis Delpérée – dont la carrière politique appartient plus aux archives du Sénat qu’à l’avenir des relations internationales – cette ASBL a pour mission de “promouvoir l’image du Maroc en Belgique”. Une noble ambition, certes. Mais cinq ans plus tard, un constat s’impose , ni la Belgique n’a changé de position, ni même une motion symbolique n’a été votée au conseil communal de Jette.

Du lobbying… de salon

Officiellement, Les Amis du Maroc est une association indépendante. Officieusement, c’est un bureau annexe de l’ambassade du Maroc à Bruxelles, où Mohamed Ameur, ambassadeur à résidence prolongée (neuf ans et toutes ses dents), agit en chef d’orchestre discret mais omniprésent. Tout y passe , invitations, logistique, communication, choix des orateurs. Un vrai service culturel… sauf que l’adresse postale reste celle de la diplomatie marocaine.

Et parlons un peu chiffres. Car organiser une soirée dans les salons dorés du Cercle Gaulois ou au Palais des Académies ne coûte pas trois dirhams et une datte. En moyenne, plus de 8 000 euros par événement sont nécessaires pour couvrir location, traiteur, sécurité, fleurs fraîches et petits fours orientaux. La question, elle, est simple , qui paye ?

La réponse est floue. L’ambassade dit qu’elle “met parfois la main à la poche”. Le baron, lui, préfère le silence distingué. Le staff de l’ambassade, en tout cas, s’active comme dans un congrès de l’ONU ,  gestion des invités, validation des discours, relance des sénateurs à la retraite et photocopie des plans de table. L’indépendance associative n’a jamais été aussi bien encadrée.

Les dîners de l’impuissance


Depuis 2019, combien de décisions politiques majeures ont été influencées par Les Amis du Maroc ? Aucune. Combien de personnalités belges de premier plan ont été converties à la marocanité du Sahara ? Aucune. Combien de coupes de crémant ont été levées à la gloire de l’autonomie saharienne ? Des centaines.

Le problème n’est pas l’existence de l’association – toutes les nations font leur promotion à l’étranger. Le problème, c’est sa stratégie , miser sur des figures sans pouvoir réel, dont l’aura médiatique est inversement proportionnelle au montant du traiteur. Car avec tout le respect qu’on doit au baron Delpérée, croit-on sérieusement qu’un ancien sénateur, reconverti en animateur de colloques feutrés, va influencer la diplomatie belge sur un sujet aussi sensible que le Sahara marocain ?

La diplomatie de la nappe blanche

L’ASBL Les Amis du Maroc, c’est finalement un concept original , une structure de lobbying sans influence, un comité de soutien sans adhérents, une action diplomatique sans échos politiques. Mais avec des dîners. Et des fleurs. Et du homard parfois.

Peut-on vraiment promouvoir les intérêts stratégiques du Royaume en s’entourant de retraités en gilet trois pièces ? Le Maroc, pays à la diplomatie affûtée et aux ambitions continentales, mérite mieux que des soirées mondaines pour convaincre. Et la question devient alors légitime .

Est-ce vraiment de cela que le Sahara a besoin ? Ou simplement d’un vrai diplomate… et d’un vrai plan ?

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