Quand la Belgique sort du coma politique pour redessiner la carte du Sahara
Majdi Fatima zahra
Bruxelles – Il y a des réveils qui font du bruit. Après huit mois de négociations – un exploit belge à l’échelle du Guinness –, la Belgique s’est dotée d’un gouvernement, et il ne lui a pas fallu plus de temps pour dégainer une proposition qui risque de faire tousser jusqu’aux sables du Tindouf , reconnaître officiellement la souveraineté du Maroc sur le Sahara.
Georges-Louis Bouchez, président du MR (Mouvement Réformateur) et éternel aficionado des coups d’éclat, a choisi le soleil de Rabat pour se ressourcer, et visiblement, l’air marocain lui a inspiré plus qu’un simple bronzage. De retour à Bruxelles, le voilà en train de déposer un texte qui pourrait faire basculer l’équilibre diplomatique européen sur le dossier saharien. Rien que ça.
Un texte… et quelques grains de sable
L’intention est claire , approfondir les liens historiques entre le Maroc et la Belgique, certes, mais surtout inscrire la Belgique dans le sillage de l’axe Madrid-Paris – celui-là même qui regarde la rasd comme on regarde un fantôme dans le grenier familial : avec respect, mais sans jamais l’inviter au dîner.
Cette prise de position, qui fleure bon le réalisme politique (et un soupçon d’opportunisme électoral), repose aussi sur un calcul mathématique , la fameuse “coalition Arizona”, aux couleurs de l’arc-en-ciel libéral et centriste, dispose d’une majorité au Parlement. Et Georges-Louis, tel un chef d’orchestre légèrement hyperactif, compte bien faire chanter l’hémicycle à l’unisson marocain.
Du bon usage des mots qui fâchent
Mais tout cela ne va pas sans sueurs froides dans les couloirs du PS et du PTB. Ces derniers, qui peinent déjà à faire entendre leur voix au Parlement européen, hésitent à jouer les trouble-fête. Du côté du Parti du Travail, on adopte la posture du vieux sage taoïste « Nous n’avons pas de position. » Traduction , on préfère ne pas se mouiller, de peur de finir en sandwich diplomatique entre Rabat et Alger.
Quant à la fameuse réaction algérienne, elle est redoutée, mais pas vraiment redoutable. L’Algérie est pour la Belgique ce que le cousin du cousin est pour le mariage , on l’invite par courtoisie, pas par affinité. Les chiffres sont là , 70 000 Algériens sur le territoire belge, peu d’échanges commerciaux, et des perspectives économiques qui tiennent plus du mirage que du partenariat stratégique.
Diplomatie façon gaufre belge
Bouchez, dans un élan de lucidité géostratégique, propose même d’inventer une forme de diplomatie douce avec Alger , des accords commerciaux, de circulation, un peu de sucre sur le couscous pour faire passer le message. Et pourquoi pas une “zone franche de la réconciliation” sur le modèle d’une friteuse partagée entre Rabat et Alger ?
Le plus fascinant, dans cette affaire, n’est pas tant la position belge que le fait qu’elle pourrait faire tache d’huile. Quand un petit pays dont la principale exportation est le chocolat commence à dicter la ligne diplomatique de l’UE sur un dossier aussi explosif, c’est que quelque chose a changé à Bruxelles.
Peut-être que l’Europe, après des années de tergiversations, commence enfin à comprendre que le Sahara, ce n’est pas qu’une étendue de sable, mais aussi un enjeu de stabilité, de crédibilité… et de pragmatisme.