Tindouf-sur-Réalité : Quand le Polisario commémore… sa propre disparition

Bouchaib El Bazi

Il y a des anniversaires qui rassemblent, d’autres qui embarrassent, et puis il y a ceux, comme celui du 10 mai dernier, où l’on organise une parade militaire pour masquer… une débandade politique. Le Front Polisario a fêté, dans une ambiance oscillant entre théâtre d’ombres et kermesse autoritaire, les 52 ans de la création de son bras armé. Mais soyons honnêtes : ce n’était pas un anniversaire. C’était une veillée funèbre. Une commémoration du rêve perdu, un enterrement en grande pompe d’un projet dont il ne reste que les slogans criés en boucle et les uniformes repassés à la hâte.

Des généraux, un wali, et des fantômes

Sur la photo officielle, tout y est : Ibrahim Ghali, flanqué du wali de Tindouf et d’un petit bataillon de généraux algériens en mode surveillance rapprochée. Manquaient les bougies, mais pas la gêne. L’image en dit long , le “chef” du Polisario, qui se prétend président d’une république introuvable, est entouré de ses véritables commanditaires. Un symbole fort, surtout pour une jeunesse sahraouie désabusée, qui n’en peut plus de réciter la litanie de la “libération nationale” pendant que ses leaders s’enfoncent dans les limbes du confort sponsorisé.

Car au fond, quel crédit accorder à une direction qui se barricade dans les camps sous haute surveillance, de peur que ses propres “représentés” ne la contestent ? Le Polisario n’est plus un mouvement populaire , c’est un syndicat de la dépendance, protégé non par son peuple, mais par les bottes algériennes.

Une armée de figurants ?

Le défilé militaire, censé galvaniser les foules, ressemblait davantage à un casting raté pour un film de guerre à petit budget. Les soldats ? Des visages inconnus, des démarches hésitantes, des tenues flambant neuves… mais des regards absents. Des mercenaires ? Des figurants ? Difficile à dire. Une chose est sûre , les jeunes des camps n’étaient pas là. Ils ont déserté la scène. Et pour cause , ils n’y croient plus. Le scénario est périmé, les acteurs fatigués, et le public a déserté la salle.

Même les vieux briscards de la direction historique ont brillé par leur absence , ni Bachir Mustafa Sayed, ni Mohamed Lamine Bouhali, ni Abdelkader Taleb Omar, ni même Hamma Salama. Une hémorragie de symboles. Officiellement “empêchés”, officieusement écoeurés. Il faut dire que célébrer une organisation devenue un appendice diplomatique embarrassant n’a plus rien de glorieux.

Discours recyclé et réalité déconnectée

Ibrahim Ghali, fidèle à lui-même, s’est lancé dans une homélie sur la “résistance armée”, en évoquant des “victoires” militaires invisibles sauf sur le site de l’APS et les comptes Facebook des partisans les plus zélés. Il oublie sans doute que son message ne vient pas des “territoires libérés”, mais d’un petit coin bien sécurisé du sud algérien. Quant à ces fameux territoires, ils sont aujourd’hui inaccessibles aux unités du Polisario, coincées par une supériorité marocaine de plus en plus flagrante, aussi bien sur le plan technologique que stratégique.

Le peu de matériel présenté lors du défilé parlait de lui-même , des 4×4 poussiéreux, quelques dizaines d’hommes, et pas l’ombre d’un système de défense digne de ce nom. À côté, les drones turcs et israéliens du Maroc survolent le territoire comme des sentinelles numériques d’un ordre régional qui avance.

Le désamour algérien : vers un divorce programmé ?

Mais le clou du spectacle, c’était sans doute l’absence des parrains algériens habituels. Pas de général Khaldi, le nouveau chef du secteur de Tindouf, ni d’apparatchiks trop zélés. Un vide qui sonne comme un désaveu. Même à Alger, le temps de l’enthousiasme est révolu. Le Polisario, autrefois outil de nuisance préféré, devient un fardeau diplomatique dans un contexte où l’Algérie elle-même peine à cacher son isolement international croissant.

Dans les camps, certains murmurent déjà qu’Alger préparerait doucement, mais sûrement, un “dégagement stratégique” , moins de financements, moins de protection, et bientôt peut-être, un adieu officiel. Après tout, même les instruments de diversion ont une date de péremption.

Épitaphe en forme de fanfare

La 52e commémoration du bras armé du Polisario n’a donc pas été un anniversaire. C’était un symptôme. Celui d’un mouvement qui ne représente plus que lui-même, d’un projet vidé de sens, d’un mythe qui s’effondre dans l’indifférence générale. À défaut d’un combat, il reste des cérémonies creuses, des discours usés et des défilés pour faire semblant. Mais au fond, tout le monde l’a compris , le Polisario ne défile plus vers l’indépendance. Il marche lentement vers sa propre disparition.

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