Terrorisme au Sahel : l’ombre du régime militaire algérien sur l’instabilité régionale.
Bouchaib El Bazi
La dégradation sécuritaire persistante dans la région du Sahel – du Mali au Burkina Faso, en passant par le Niger – ne peut plus être perçue comme un enchaînement aléatoire de crises.
Derrière la montée en puissance des groupes terroristes, de plus en plus d’analystes et d’acteurs de terrain pointent du doigt une implication indirecte, mais déterminante, du régime militaire algérien.
Des officiers algériens à la retraite, d’anciens cadres des services de renseignement, ainsi que des journalistes en exil, ont livré des éléments concordants mettant en cause la stratégie de l’état-major d’Alger.
Selon ces sources, certaines factions jihadistes opérant dans le nord du Mali, le Gourma, ou aux abords du Niger, bénéficieraient de soutiens logistiques ou d’un transit toléré via le territoire algérien. Des documents internes à la gendarmerie algérienne évoqueraient l’existence de “zones grises” dans le sud du pays, notamment dans les régions frontalières de Tamanrasset ou d’In Guezzam, où des groupes armés peuvent circuler, se réarmer ou se replier sous “surveillance active mais non interventionniste” des forces de sécurité.
Un ancien officier, sous couvert d’anonymat, précise : « Il existe des éléments bien identifiés opérant dans le Gourma ou autour de la boucle du Niger, qui utilisent des couloirs logistiques à travers le sud algérien. Tout cela est connu, mais politiquement trop explosif pour être dénoncé frontalement. »
Selon des analystes occidentaux et africains, cette politique d’ambiguïté contrôlée servirait au régime militaire algérien trois objectifs majeurs , affaiblir les gouvernements sahéliens qui s’affranchissent de l’influence d’Alger, notamment ceux qui adoptent des lignes souverainistes ou coopèrent étroitement avec d’autres puissances comme la Turquie, la Russie ou le Maroc ; maintenir une instabilité chronique dans le voisinage immédiat pour renforcer le rôle central de l’armée algérienne dans la diplomatie régionale, justifier ses budgets de défense colossaux et maintenir un climat d’exception sécuritaire ; empêcher enfin l’émergence d’une alliance sécuritaire sahélienne autonome – à l’image de la Confédération des États du Sahel – qui se construirait en dehors de son orbite d’influence.
En dépit de cette mainmise, les pays comme le Mali, le Burkina Faso ou le Niger poursuivent leurs combats contre les groupes affiliés à AQMI, à l’EIGS ou à des katibas locales, dont les ramifications géopolitiques dépassent largement les seules frontières du désert.