À Genève, le Forum Canarien Sahraoui alerte l’ONU sur les violations des droits humains dans les camps de Tindouf

Bouchaib El Bazi

Présidée par Ignacio Ortiz Palacio, la délégation du Forum a mené plusieurs rencontres diplomatiques à Genève afin de mettre en lumière la situation préoccupante des populations sahraouies vivant dans ces camps. Leur démarche s’inscrit dans un effort de longue haleine visant à attirer l’attention de la communauté internationale sur ce qu’elle qualifie de « situation humanitaire d’urgence chronique ».

Un dossier accablant pour le Polisario

Le dossier remis au Haut-Commissaire Volker Türk, ainsi qu’à plusieurs mécanismes onusiens spécialisés – notamment le Rapporteur spécial sur la torture et le Groupe de travail sur les disparitions forcées – recense un ensemble de violations, qualifiées de « systématiques et persistantes ». Parmi les faits dénoncés figurent des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture, des cas de disparitions forcées, des pratiques assimilées à l’esclavage moderne, ainsi qu’une discrimination raciale envers certains groupes internes aux camps.

Le Forum avance des données précises : entre 2014 et 2024, au moins 21 cas d’exécutions ou de tentatives ont été recensés. Ces violences viseraient en particulier de jeunes Sahraouis tentant d’échapper à la précarité en se livrant à des activités informelles ou transfrontalières.

Le cas d’Ahmed Khalil, ancien responsable des droits humains au sein du Polisario disparu en 2009 à Alger, est mentionné comme emblématique d’une absence de recours juridictionnels pour les victimes. Ce dossier avait déjà donné lieu à une décision du Comité des droits de l’homme de l’ONU en 2020, soulignant l’inefficacité des voies de justice disponibles pour les réfugiés sahraouis.

Soupçons de connexions avec des réseaux terroristes

Outre les atteintes directes aux droits humains, le Forum soulève la question sensible des liens supposés entre certains membres du Polisario et des groupes armés opérant au Sahel. La trajectoire d’Adnan Abou Walid al-Sahraoui, ancien membre du Polisario devenu figure de proue du terrorisme djihadiste dans la région, est citée pour illustrer cette porosité. Des sources du Centre africain d’études sur le terrorisme auraient identifié d’autres anciens éléments du Polisario dans des mouvements affiliés à AQMI ou à Daech.

Des détournements d’aide humanitaire toujours d’actualité

Le Forum revient également sur le détournement récurrent de l’aide humanitaire internationale acheminée vers les camps. Il rappelle que les enquêtes de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) ont déjà documenté des détournements massifs de fonds, notamment durant la décennie 1994–2004. L’organisation insiste sur la nécessité de mettre fin à cette opacité et de garantir que l’aide humanitaire atteigne effectivement les bénéficiaires désignés.

Appel à une intervention internationale

Face à ce constat, le Forum Canarien Sahraoui lance un appel pressant à la communauté internationale. Il demande ,

  • l’accès sans entrave des ONG et agences onusiennes aux camps de Tindouf pour mener des enquêtes indépendantes ;

  • la réalisation d’un recensement sous supervision internationale des populations présentes ;

  • la création d’un mécanisme d’audit de l’aide humanitaire afin d’en assurer une distribution équitable et transparente.

L’initiative du Forum s’inscrit dans un climat de vigilance croissante concernant les droits humains dans les zones de conflit prolongé. Alors que les débats se poursuivent à Genève, la question des responsabilités dans les camps de Tindouf revient avec insistance sur la table des discussions diplomatiques et humanitaires.

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