Escalade militaire au Sahara marocain : le Polisario s’isole, le Maroc consolide son sang-froid stratégique
Bouchaib El Bazi
Bruxelles – Le conflit latent au Sahara marocain a connu une nouvelle flambée ce vendredi, avec un tir de projectiles revendiqué par le Front Polisario sur la ville de Smara, dans les provinces du Sud marocain. Si l’attaque n’a fait ni morts ni dégâts matériels, elle relance les inquiétudes géopolitiques régionales. Mais à y regarder de plus près, cette opération armée souligne surtout l’isolement croissant du mouvement séparatiste et les limites de sa stratégie militaire, au moment même où le Maroc enchaîne les succès diplomatiques.
Une attaque sans impact, mais hautement symbolique
Dans la nuit du vendredi 27 juin, quatre projectiles ont été tirés en direction de la périphérie de la ville de Smara, une cité saharienne sous souveraineté marocaine, sans faire de victimes ni de dommages matériels. Il s’agit de la troisième attaque similaire en moins d’un an, après celles d’octobre 2023 et mai 2024. Le Front Polisario, qui réclame l’indépendance du territoire du Sahara occidental, a revendiqué l’opération, affirmant viser des “installations militaires ennemies”.
Mais pour de nombreux observateurs, cette démonstration de force avortée trahit davantage un besoin désespéré d’exister sur la scène internationale qu’une stratégie réfléchie. Comme l’analyse l’expert en géopolitique Hicham Motadid, « le Maroc démontre une capacité claire à gérer ces provocations avec retenue et maîtrise, évitant les engrenages d’une guerre totale. » Il souligne que Rabat adopte une approche dite de “gestion des menaces de faible intensité”, qui conjugue fermeté et prudence tactique.
Une réponse mesurée, mais ferme
La réaction du Maroc ne s’est pas fait attendre. Quelques heures après l’incident, une équipe conjointe composée de militaires marocains et d’observateurs de la MINURSO – la mission onusienne chargée du cessez-le-feu – s’est rendue sur les lieux pour documenter l’attaque. Un rapport sera adressé au secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, et pourrait constituer une nouvelle preuve de la violation du cessez-le-feu par le Polisario.
Le message marocain reste cohérent , ne pas céder à la provocation, préserver l’élan diplomatique, et laisser le front séparatiste se discréditer lui-même. Cette stratégie repose sur une anticipation fine du terrain et un renforcement ciblé des capacités défensives près des zones de friction. D’après Motadid, il n’est pas exclu que le Maroc opte à l’avenir pour des frappes défensives localisées, calibrées pour envoyer un signal dissuasif sans tomber dans le piège de l’escalade généralisée que souhaitent Alger et ses relais.
Un isolement croissant du Polisario… et de l’Algérie
Sur le plan diplomatique, cette nouvelle agression survient dans un contexte défavorable au Polisario. Le Maroc bénéficie d’un soutien grandissant pour son plan d’autonomie sous souveraineté marocaine, soutenu notamment par les États-Unis, l’Espagne, les Émirats arabes unis ou encore Israël. À l’inverse, le Polisario, soutenu par Alger, peine à mobiliser des appuis internationaux, y compris en Afrique où de nombreux pays ont retiré leur reconnaissance de la “RASD”.
Plus préoccupant pour Alger, la scène internationale commence à s’interroger sur la gestion opaque des camps de Tindouf, en territoire algérien, et sur les liens troubles du Polisario avec des réseaux terroristes. Des juristes spécialisés en droit international rappellent que l’Algérie pourrait se retrouver poursuivie pour non-respect du droit humanitaire, notamment en matière de détention arbitraire et de non-accès des ONG aux camps.
Vers une requalification terroriste du Polisario ?
L’attaque de Smara intervient également alors que des voix s’élèvent à Washington pour requalifier le Polisario en tant qu’organisation terroriste. Le sénateur républicain Joe Wilson, épaulé par le démocrate Jimmy Panetta, a présenté un projet de loi en ce sens au Congrès américain. Dans un post publié sur X (anciennement Twitter), Wilson dénonce une “milice marxiste soutenue par l’Iran, le Hezbollah et la Russie”, accusant le Polisario de servir les desseins géostratégiques de Téhéran en Afrique du Nord.
Une telle requalification, si elle venait à être adoptée, aurait des conséquences dramatiques pour la légitimité du front séparatiste et poserait à l’Algérie un dilemme majeur, elle qui a toujours plaidé pour une solution “pacifique et politique”.
Une opération contre-productive pour le Polisario
Plutôt qu’une démonstration de force, l’attaque du 27 juin ressemble à un coup d’épée dans l’eau. Sur le terrain, elle a été contenue avec professionnalisme ; sur le plan stratégique, elle conforte la position du Maroc comme acteur rationnel et responsable dans la gestion du conflit. Le Polisario, lui, s’enfonce dans une logique militariste que plus personne ne veut suivre.
Le Sahara reste donc un terrain fragile, mais désormais plus que jamais scruté par les chancelleries occidentales, de Bruxelles à Washington. Et chaque obus tiré vers Smara ne fait que renforcer la thèse d’un Maroc assiégé, mais lucide — et d’un front séparatiste aux abois.