Un 18 Novembre sous tension : quand la célébration de l’indépendance révèle les fragilités de la représentation marocaine en Belgique et au Luxembourg
Rime Medaghri
Le 18 novembre, la représentation marocaine en Belgique et au Luxembourg organisait une réception à l’occasion du 70ᵉ anniversaire de l’indépendance. Officiellement, l’événement devait célébrer une page essentielle de l’histoire contemporaine du Royaume et réunir, selon le communiqué publié, un « large public » composé notamment d’acteurs de la communauté marocaine et de personnalités locales.
Mais ce récit optimiste peine à résister à la réalité perçue sur place , une salle largement clairsemée, rester symboliquement vides et l’absence remarquée de ceux qui, en principe, incarnent l’ossature de la présence diplomatique marocaine.
Des consuls absents… parce qu’écartés
Le premier constat, et non des moindres, fut la non-participation des consuls. Un choix d’autant plus surprenant que ces derniers constituent l’un des piliers opérationnels de la diplomatie marocaine auprès de sa diaspora.
Selon plusieurs sources concordantes, il ne s’agirait pas d’un simple oubli, mais d’une exclusion pure et simple , aucune invitation ne leur aurait été adressée. Une décision incompréhensible pour nombre de membres de la communauté, qui y voient un précédent inquiétant dans la gestion des événements nationaux à l’étranger.
Une mise à l’écart qui dépasse les personnes pour toucher l’institution
Écarter des représentants consulaires lors d’une commémoration comme celle de l’indépendance ne peut être réduit à une anomalie protocolaire. C’est un signal institutionnel lourd.
La diplomatie marocaine repose sur une architecture hiérarchisée où chaque niveau représente une pièce essentielle du dispositif. Marginaliser l’un de ces maillons revient à fragiliser l’ensemble. Cette exclusion a donc été perçue comme une atteinte non seulement à la fonction consulaire, mais également au cadre institutionnel supervisant l’action extérieure du Royaume.
Le fait que certains acteurs politiques internes aux missions diplomatiques puissent se permettre d’éclipser des représentants de l’État ajoute une dimension préoccupante à cette situation, révélant des pratiques difficilement compatibles avec la rigueur attendue d’un appareil diplomatique.
La société civile convoquée… quand il faut remplir la salle
L’autre élément marquant réside dans la gestion de la société civile. Contrairement aux déclarations officielles vantant un « dialogue continu » avec les associations marocaines, les invitations semblent être devenues un exercice sélectif.
Elles affluent lorsque la salle risque de paraître vide ou lorsque l’absence de personnalités officielles est prévisible. Dans le cas présent, nombre d’acteurs associatifs affirment n’avoir reçu aucune communication — un silence qui pose question sur la cohérence de la stratégie d’engagement envers une communauté pourtant considérée comme un levier essentiel du rayonnement marocain.
Une célébration figée, à l’image d’un rituel qui s’épuise
La réception du 18 novembre s’inscrit dans une série d’événements nationaux de plus en plus monotones. Les mêmes formules, les mêmes séquences, les mêmes discours prévisibles, le tout dans une atmosphère solennelle mais sans chaleur.
Le contraste est saisissant entre la portée historique du 18 novembre — moment fondateur de la souveraineté marocaine — et la froideur quasi administrative de son évocation. Les discours prononcés semblaient en décalage avec la réalité d’une salle où seules quelques poignées de personnes étaient présentes, plus par respect pour la date que par adhésion à l’organisation.
Entre image officielle et perception réelle : un fossé qui se creuse
Le communiqué publié après la cérémonie décrit une réception réussie, riche en échanges et marquée par une participation significative. Pourtant, le témoignage visuel et humain tend vers une lecture tout autre.
Cette divergence entre communication institutionnelle et vécu réel est de plus en plus relevée par la communauté marocaine locale, qui s’interroge sur le sens donné à ces célébrations lorsque celles-ci ne rassemblent ni les représentants naturels de l’État, ni les acteurs que l’on prétend valoriser.
Une mécanique à réinventer
L’incident du 18 novembre ne relève pas de l’anecdote. Il s’inscrit dans une dynamique où l’exclusion, l’improvisation et la communication embellie prennent le pas sur la transparence, l’inclusion et la cohérence.
Si les célébrations nationales organisées à l’étranger entendent remplir pleinement leur mission symbolique et fédératrice, elles gagneraient à renouer avec une approche plus professionnelle, respectueuse des institutions et attentive à la communauté qu’elles prétendent représenter.