« Une amitié diplomatique ou un instrument d’influence ? »

Depuis sa création en 2019, l’association Les Amis du Maroc veut se présenter comme un “think-tank” ou cercle d’amitié belgo-marocaine, rassemblant personnalités politiques, économiques, culturelles et médiatiques. Présidée par François Delperée , homme politique belge, ancien professeur et personnalité publique , l’ASBL vante son ambition de renforcer les « liens de coopération, d’échange et de compréhension » entre la Belgique et le Maroc.

Mais dès que l’on gratte un peu l’apparence, des questions surgiront quant aux finalités réelles , et au rôle joué par l’ambassadeur Mohamed Ameur.

Un ambassadeur très présent , financement en coulisses

Il n’est pas neutre que l’ambassadeur du Maroc en Belgique, Mohamed Ameur, soit l’un des membres constitutifs , voire le principal bailleur , de l’ASBL. Plusieurs enquêtes et témoignages recueillis par la presse dénoncent un mélange des genres problématique : selon ces sources, Ameur “met souvent la main au portefeuille” pour louer les salons prestigieux (hôtel de ville de Bruxelles, Cercle Gaulois, Congrès, etc.), assurer la restauration lors des soirées et financer implicitement les apparitions publiques de l’association. 

Le 15 mars 2023, une conférence de l’association a eu lieu à l’Hôtel de Ville de Bruxelles, réunissant environ 400 invités , diplomates, entrepreneurs, universitaires, élus ,autour de thématiques culturel­légales. L’organisation de l’événement, le décor, les invités et le financement laissent penser que l’opération visait moins un échange culturel qu’un travail de lobbying discret sous couvert d’amitié. 

Autrement dit , ce n’est pas une simple initiative citoyenne mais un instrument diplomatique , par l’ambassade , pour asseoir une influence au sein des élites belges.

Une vocation affichée, mais des objectifs réels troubles

Sur le papier, Les Amis du Maroc affirment vouloir promouvoir la coopération, la culture, le dialogue entre communautés et pays. 

Mais selon les documents d’enregistrement de l’association, un de ses objets formels est « d’encourager une solution politique négociée dans le dossier du Sahara ». Ce n’est plus uniquement de la culture ou de la diplomatie de courtoisie , c’est clairement du lobbying politique sur un dossier sensible. 

Dès lors, une question se pose , est-ce Delperée, en tant que figure ostensiblement indépendante, qui pilote réellement , ou seulement prête son nom , ou bien l’association n’est-elle qu’un relais d’influence pour l’ambassade du Maroc ?

Silence, refus d’interview… et accusations d’intimidation

Quand des journalistes ou des universitaires posent des questions sur le rôle de l’ASBL ou sur la politique marocaine vis-à-vis du Sahara, l’attitude de l’ambassade semble pousser à la discrétion , sinon à la crainte. Plusieurs témoins anonymes affirment avoir été convoqués à l’ambassade après avoir publié ou exprimé des analyses critiques du dossier du Sahara. L’ambassadeur, selon eux, aurait “rappelé l’histoire de la marocanité du Sahara occidental” de façon à peine voilée , un signal clair d’intimidation et de possibles conséquences.

À ce jour, ni Delperée ni Ameur ne se sont publiquement expliqués , les demandes d’interview ont été refusées selon la presse. 

Que sait-on des moyens financiers et des rémunérations ?

Sur ce point, le flou est total. Dans les articles consultés, on ne trouve aucune preuve publique d’un salaire, d’une “rémunération pour Delperée”, ou d’un budget transparent attribué à l’association venant de l’ambassade ou de l’État marocain. Ce silence est en soi un signal d’alarme , si un acteur diplomatique soutient une ASBL dans un pays étranger, la transparence financière devrait être une condition minimale.

Ce vide renseigne , ou du moins suggère , que l’ensemble des flux financiers et des soutiens restent opaques.

Un pouvoir réel ou symbolique ? Influence subtile plutôt que prise de décision

À la lumière des éléments disponibles, on peut avancer que l’association, et donc Delperée, ne détient pas un “pouvoir institutionnel” sur la politique belge, ni même une influence visible dans les institutions belges , aucun membre du gouvernement belge ou parlement fédéral n’a publiquement reconnu l’ASBL comme organe décisionnel.

Cependant, le véritable pouvoir semble être symbolique et d’influence , par le biais de soirées diplomatiques, de réseaux d’élites, de pression discrète sur des intellectuels ou universitaires, l’association agit comme un outil de soft power. Elle peut orienter le débat, modérer les critiques, favoriser certains cercles, mais sans rendre de comptes , ce qui, pour un pays étranger, constitue déjà un levier d’ingérence.

 Vers une Belgique sous influence douce ?

À première vue, Les Amis du Maroc peut sembler être une initiative philanthropique, culturelle et fraternelle. Mais dès qu’on regarde de près , la structure de financement, la présence diplomatique, les objectifs liés au Sahara, les témoignages d’intimidation , l’association prend l’allure d’un instrument diplomatique déguisé en cercle civil.

François Delperée, en tant que président, prête sa légitimité, son statut et son réseau , ce qui donne une façade “respectable”, “neutre”, “belgo-marocaine”. Derrière le rideau, c’est l’ambassade de Mohamed Ameur, avec des ambitions politiques et diplomatiques, qui semble tirer les ficelles.

Sans transparence, sans débat public, sans contrôle, on se trouve face à un modèle de soft influence , légal en apparence, mais potentiellement dangereux pour la souveraineté démocratique et pour la liberté d’expression.

Si je devais résumer en une formule provocatrice , “Un salon mondain pour masquer un lobby diplomatique.”

 

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