Bruxelles à découvert : des millions perdus faute de sanctions contre les conducteurs étrangers
Bouchaib El Bazi
La question n’est pas nouvelle, mais les chiffres révélés cette semaine par la ministre bruxelloise de la Mobilité, Elke Van den Brandt, lui donnent une ampleur inédite , Bruxelles continue de perdre chaque année des millions d’euros faute de parvenir à faire payer les redevances de stationnement aux véhicules immatriculés à l’étranger. Une situation devenue structurelle, dénoncée avec vigueur par le député et président de TFA, Fouad Ahidar.
Un gouffre financier qui s’élargit d’année en année
Les données officielles sont sans équivoque.
En 2023, 301 289 redevances ont été constatées pour des véhicules étrangers.
En 2024, le chiffre bondit à 431 573, soit une explosion de +43 %.
Pourtant, dans les deux cas, moins d’une redevance sur dix est effectivement payée :
- 9,74 % seulement en 2023 (29 346 paiements)
- 9,07 % en 2024 (39 144 paiements)
Au 1er octobre 2025, l’addition est salée , plus de 25 millions d’euros restent impayés, dont 9,3 millions pour 2023 et 15,8 millions pour 2024.
Pendant ce temps, les plaques belges affichent un taux de recouvrement supérieur à 75 %, révélant un contraste saisissant entre résidents et conducteurs étrangers.
Une inertie politique qui interroge
Pour TFA, cette situation illustre une passivité chronique des autorités bruxelloises. Malgré la hausse spectaculaire des infractions, aucune stratégie coordonnée ou dispositif de suivi international efficace n’a été mis en place.
Un phénomène de quasi-impunité pour les contrevenants étrangers, qui circulent dans la capitale européenne en toute tranquillité, tandis que les Bruxellois, eux, paient leurs amendes au prix fort.
« Les Pays-Bas montrent l’exemple , lorsqu’un conducteur belge commet une infraction chez eux, il reçoit plusieurs avertissements, puis une procédure judiciaire. Et s’il repasse la frontière sans avoir payé, son véhicule peut être immobilisé. À Bruxelles, c’est tout le contraire », déplore Fouad Ahidar.
Une justice à deux vitesses
La comparaison met en lumière un système déséquilibré.
D’un côté, les conducteurs belges font l’objet d’un suivi rigoureux. De l’autre, les conducteurs étrangers bénéficient d’un vide administratif qui les protège de toute sanction concrète.
Cette asymétrie nourrit un sentiment d’injustice croissant parmi les usagers locaux, qui constatent que la Région applique une rigueur à sens unique.
« Cette passivité est incompréhensible, injuste et coûteuse pour les Bruxellois », ajoute Ahidar, appelant la Région à adopter enfin un niveau d’exigence similaire envers tous les conducteurs.
Un enjeu financier… et politique
Derrière les chiffres se cache un enjeu double.
Financier, d’abord , dans un contexte budgétaire tendu, laisser s’évaporer plus de 25 millions d’euros relève d’une légèreté difficile à défendre.
Politique, ensuite , l’incapacité chronique de Bruxelles à coopérer efficacement avec les pays voisins fragilise sa crédibilité dans la gestion des infractions transfrontalières.
À l’heure où la Région prône une mobilité plus juste et plus durable, cette absence de mécanismes de recouvrement pour les plaques étrangères apparaît comme un angle mort majeur de sa politique.
Vers une réforme attendue ?
Le communiqué de TFA agit comme un électrochoc. Reste à voir si la Région se contentera une fois de plus de constater l’ampleur du problème, ou si elle mettra enfin en place un accord global avec les pays limitrophes , un outil que la plupart des grandes métropoles européennes ont déjà intégré depuis longtemps.
Ce qui est certain, c’est que l’inaction coûte aujourd’hui très cher aux Bruxellois, et que chaque année qui passe renforce un système d’impunité devenu, à force, parfaitement prévisible.