Algérie : Quand une conférence panafricaine sur le colonialisme devient scène de règlement de comptes avec Paris

Rime Medaghri

L’Algérie n’a pas laissé passer l’occasion. Dimanche à Alger, la Conférence internationale sur les crimes coloniaux en Afrique — une initiative officiellement portée par l’Union africaine, mais largement pilotée en coulisses par la diplomatie algérienne — s’est rapidement muée en tribune politique où Paris a servi de cible privilégiée.

Un cadre africain, un message algérien

Dès l’ouverture, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a donné le ton. Derrière l’appel à « criminaliser le colonialisme en Afrique », une formule qui se veut globale, se devinait clairement une intention de revisiter le contentieux algéro-français.
Sans jamais citer la France frontalement dans les premières minutes de son discours, il l’a convoquée par insinuations successives, déroulant un récit historique largement façonné par la mémoire nationale algérienne.

Le ministre a estimé que les nations africaines sont en droit d’exiger « reconnaissance des crimes », « indemnisation » et « restitution des biens spoliés ». Un triptyque qui, dans le contexte algérien, trouve une résonance très précise , la colonisation française et ses conséquences.

Lutte mémorielle : Alger remet son dossier sur la table

Pour Alger, cette conférence est un espace privilégié pour remettre au centre du débat continental sa lecture de l’histoire. Ahmed Attaf a défendu l’idée que le colonialisme devait être érigé en crime international « au même titre que l’esclavage ou l’apartheid ».
La comparaison n’était pas anodine , elle établit un parallèle direct entre les drames historiques universellement condamnés et l’expérience algérienne sous domination française.

Il a également relié les difficultés actuelles du continent — inégalités, retards socio-économiques, fractures politiques — aux “séquelles du colonialisme”. Une manière de souligner que les anciennes puissances coloniales portent toujours, aux yeux du gouvernement algérien, une responsabilité persistante dans les défis contemporains, et que la France demeure, implicitement, l’exemple le plus parlant de ce passif.

L’Union africaine, un allié opportun ou un partenaire sous influence ?

Selon plusieurs sources africaines, des éléments compromettants seraient en passe d’être transmis aux instances concernées. Ces informations suggèrent que Bankole Adeoye, Commissaire de l’Union africaine aux affaires politiques, aurait bénéficié de financements algériens pour soutenir cette initiative.
Il a d’ailleurs plaidé pour une mobilisation de la diaspora africaine et une action commune pour « criminaliser le colonialisme ».
Une orientation qui rejoint très exactement les attentes d’Alger — au point de susciter, selon certains diplomates présents, l’impression que la conférence servait un agenda avant tout national, habillé d’un vernis continental.

Une conférence jouée d’avance

Le rendez-vous d’Alger était présenté comme un moment de réflexion collective autour du passé colonial africain. Mais au fil des interventions, l’événement a pris le visage d’un exercice politique récurrent : celui d’un pouvoir algérien utilisant la scène africaine pour réactiver son face-à-face mémoriel avec Paris.

La conférence, au lieu d’ouvrir un débat élargi sur la diversité des expériences coloniales sur le continent, a semblé s’aligner sur la logique univoque imposée par Alger. Le passé devient ainsi un outil : un moyen d’alimenter une confrontation narrative ancienne, mais toujours utile pour un régime en quête de cohésion interne.

 une cause africaine au service d’une bataille bilatérale

Ce qui aurait pu être un dialogue panafricain sur la mémoire et les injustices du passé s’est finalement transformé en un exercice diplomatique où la question coloniale sert de levier politique.
L’Algérie s’y est posée en porte-drapeau d’une cause universelle, tout en ramenant constamment le débat à son propre tête-à-tête historique avec la France.

En définitive, cette conférence aura davantage brillé par ses arrière-pensées géopolitiques que par la volonté d’un véritable travail collectif sur la mémoire africaine.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.