À Bruxelles, même la crèche n’échappe plus au conflit mondial — chronique très sérieuse d’un Noël sous haute tension
Rime Medaghri
Il fallait sans doute s’y attendre , en 2025, plus rien n’est sacré, pas même la crèche de Noël de la Grand-Place de Bruxelles, ce petit îlot de paix censé résister aux tempêtes politiques, aux polémiques de comptoir et aux tweets incendiaires. Samedi, des inconnus — probablement très fâchés, très motivés ou très inspirés — ont cru bon de taguer un « Free Palestine » sur le tissu blanc entourant la crèche. Une intervention artistique non sollicitée, effacée depuis, mais qui a ajouté une couche supplémentaire (de peinture et de controverse) à un décor déjà bien chargé.
La police a dressé un procès-verbal, car à Bruxelles, on ne badine pas avec le patrimoine. On peut critiquer la STIB, la météo et parfois même le gouvernement fédéral, mais toucher à la crèche ? Là, c’est sérieux.
Une crèche déjà au cœur d’un psychodrame national
Il faut dire que cette crèche n’avait besoin de personne pour faire parler d’elle. Depuis l’ouverture des Plaisirs d’Hiver, elle est devenue l’œuvre d’art la plus commentée de l’année — bien devant les fresques de BD et même devant la dernière sculpture contemporaine incomprise de la place Flagey.
En cause , les visages des personnages, façonnés dans des tissus bariolés. Un choix esthétique audacieux, poétique, peut-être déroutant… et, pour certains, carrément scandaleux.
Georges-Louis Bouchez, président du MR et critique d’art à ses heures perdues, s’est empressé de qualifier les figurines de « zombies ». Un mot fort, mais qui résume parfaitement l’ambiance d’un pays qui ne sait plus s’il débat de culture, de religion, de politique ou juste pour le plaisir d’être outré un lundi matin.
L’Église apaise, comme souvent (mais pas toujours)
Heureusement, l’Église, elle, a pris tout cela avec un calme olympien. Le doyen de Bruxelles-Centre, Benoît Lobet, a rappelé avec élégance et un soupçon de gravité que le message de cette crèche est tout sauf contraire aux valeurs chrétiennes. Bien au contraire.
« Nous voulions rappeler qu’environ 9.000 personnes dorment dans la rue, ici, dans la capitale, et parmi elles, des enfants », a-t-il plaisamment glissé. Une manière subtile de dire que le véritable scandale n’est peut-être pas l’esthétique des mannequins, mais la réalité sociale qu’ils symbolisent.
Un message d’humanité qui, dans le tumulte politique belge, ressemble à un murmure dans un tunnel de périphérique.
Sécurité renforcée : quand la crèche devient site stratégique
Face à l’engouement général — artistique, militant, polémique ou simplement épidermique — la Ville de Bruxelles a décidé lundi dernier de renforcer la sécurité autour de l’installation. On protège désormais la crèche comme on protégerait un chef-d’œuvre exposé au Louvre ou une réunion de formation du gouvernement wallon , avec une vigilance extrême.
Des mesures qui rappellent que la capitale européenne, entre un Sommet de l’UE et un marché de Noël, navigue constamment entre haute diplomatie et haute perturbation.
Conclusion : un Noël 2024 très bruxellois
Dans une ville où le surréalisme fait partie du patrimoine immatériel, il est finalement assez logique qu’une crèche devienne un miroir des tensions mondiales, des batailles politiques internes et des interprétations artistiques les plus improbables.
Le tag « Free Palestine », aussi rapidement disparu qu’il est apparu, restera l’un des nombreux épisodes d’un feuilleton typiquement bruxellois , un mélange de gravité internationale, de légèreté locale, de coups de peinture, de coups de gueule et — au milieu de tout ça — une crèche qui continue, stoïquement, d’essayer de raconter Noël.
Si le Petit Jésus pouvait parler, il demanderait peut-être simplement une minute de silence. Pas pour la polémique , pour reprendre son souffle.