Bruxelles – Des dizaines d’étudiants marocains sommés de quitter la Belgique : une crise liée exclusivement à l’IFCAD
La rédaction
Bruxelles – Des dizaines d’étudiants marocains installés en Belgique vivent une situation d’incertitude et d’angoisse inédite, après avoir reçu des ordres de quitter le territoire belge. Et pourtant, tous sont entrés légalement, munis de visas délivrés par le consulat belge au Maroc.
Si l’affaire a d’abord été présentée comme un dossier humanitaire concernant des “étudiants en détresse”, les investigations menées par l’Office des Étrangers ont révélé que la crise ne touche pas l’ensemble des étudiants marocains, mais se limite à une seule institution : l’IFCAD, une association reconnue par la Fédération Wallonie–Bruxelles comme établissement d’enseignement supérieur .
Akhbarona Aljalia
L’institution est classée uniquement dans le secteur de la Promotion sociale, un statut qui l’autorise à accueillir des étudiants étrangers dans le cadre d’études supérieures, et à émettre des inscriptions ouvrant droit à un titre de séjour étudiant.
IFCAD : une institution controversée, hors du cadre de l’enseignement supérieur
Selon des sources internes à l’Office des Étrangers, il ne s’agit absolument pas d’un problème global concernant les étudiants marocains, ni d’une mesure visant une nationalité en particulier.
Le problème est circonscrit à l’IFCAD, qui a enregistré durant l’année académique en cours une augmentation “inexpliquée” du nombre d’étudiants étrangers, suscitant l’inquiétude des autorités.
Des rapports internes soulignent également un manque criant d’infrastructures et de ressources pédagogiques pour absorber un tel afflux d’étudiants :
- salles de cours exiguës,
- nombre insuffisant d’enseignants,
- annulations de séances en raison de l’absence de formateurs.
Des soupçons de courtiers en inscription
Lors des enquêtes, l’Office des Étrangers a relevé des “indicateurs anormaux” concernant l’explosion des inscriptions à l’IFCAD en très peu de temps.
Des rapports internes évoquent des soupçons autour de courtiers en inscription, dont l’un identifié par les initiales S.Z., suspectés d’avoir facilité l’admission de plusieurs étudiants contre rémunération.
Ces éléments ont renforcé les doutes quant aux motivations réelles de l’IFCAD à accueillir un nombre largement supérieur à sa capacité. L’enquête a donc été élargie pour examiner :
- la nature des inscriptions,
- les méthodes de médiation,
- la conformité légale de l’établissement.
La conclusion a été sans appel : le niveau d’irrégularités constaté ne permet pas de valider le séjour des étudiants inscrits, malgré leur entrée légale au moyen d’un visa en règle.
Visa et séjour : une distinction essentielle
Les autorités belges insistent sur un point àil existe une différence fondamentale entre :
- le visa d’entrée (Visa D) délivré par les services consulaires,
- et le titre de séjour étudiant, accordé par l’Office des Étrangers après vérification de la validité de l’établissement d’accueil.
Le consulat se base sur un dossier préliminaire, alors que l’Office des Étrangers détient le dernier mot concernant la conformité de l’institution.
Des étudiants en détresse morale, sociale et financière
Pour les étudiants concernés, la décision est un véritable choc. Selon leurs témoignages, entre 120 et 150 étudiants marocains se trouvent dans la même situation :
“Nous sommes venus légalement, avons payé nos frais, obtenu un visa, mais aujourd’hui on nous refuse le séjour. Nous avons tenté de changer d’établissement, mais nos demandes ont aussi été rejetées.”
Nombre d’entre eux disent avoir épuisé toutes les démarches administratives possibles, tout en faisant face à une pression psychologique et financière considérable. Certains lancent un appel à l’intervention du roi Mohammed VI et du ministère marocain des Affaires étrangères pour obtenir une issue humanitaire.
Pourquoi le changement d’établissement est-il refusé ?
Le cadre légal belge stipule que lorsque l’institution d’origine est jugée non éligible, le projet d’études présenté lors de la demande de visa est considéré comme inexistant.
Changer d’école ne suffit donc pas à rectifier la situation, puisque la base même du séjour — le projet académique initial — est déclarée invalide.
La seule voie légale envisageable est :
- quitter la Belgique,
- puis introduire une nouvelle demande de visa via une école reconnue.
Une crise institutionnelle, pas une crise communautaire
D’après les informations recueillies par Akhbarona Aljalia, plusieurs points sont désormais clairs :
- le problème ne concerne pas l’ensemble des étudiants marocains,
- la Belgique ne cible aucune communauté en particulier,
- la crise relève exclusivement de dysfonctionnements internes à l’IFCAD,
- aggravés par des soupçons de médiation rémunérée ayant gonflé artificiellement les inscriptions.
Mais au-delà des aspects administratifs, les conséquences humaines sont bien réelles , des étudiants se retrouvent pris dans un engrenage juridique dont ils ne sont ni les auteurs ni les bénéficiaires.
Un dossier qui nécessite une réponse bilatérale urgente
La situation exige aujourd’hui :
- une intervention diplomatique belgo–marocaine,
- une clarification officielle du statut de l’IFCAD,
- des mesures transitoires pour éviter des expulsions immédiates,
- et une enquête approfondie sur les acteurs impliqués dans les inscriptions irrégulières.
En toile de fond, cette affaire rappelle l’importance pour les étudiants internationaux de vérifier la reconnaissance des institutions avant tout déplacement.
Elle constitue également un test pour la capacité des deux pays à traiter un dossier complexe dans un esprit de responsabilité et d’humanité, afin de préserver la dignité et l’avenir de ces jeunes.