Bouchez et Trump, même combat ? Chronique d’un coup de tonnerre transatlantique

Bouchaib El Bazi

Il y a des phrases qui claquent comme une porte qu’on aurait trop longtemps laissée entrouverte. Celle de Georges-Louis Bouchez, réagissant à la nouvelle National Security Strategy signée Donald Trump, fait partie de ces petites explosions politiques dont il a le secret :

« J’aurais pu l’écrire moi-même. »

Ajoutez à cela un « Quand on vient en Belgique, on vient à certaines conditions », et la scène devient soudain un étrange karaoké idéologique où le président du MR reprend, sans fausse note, le dernier tube de Washington.

Un document américain qui gratte où ça fait mal

La Maison Blanche – qui n’a jamais brillé par la poésie sous Trump – a livré une note stratégique de 33 pages décrivant une Europe « fissurée », déstabilisée par la migration, noyée sous la régulation, et à la traîne industriellement. Rien de révolutionnaire, mais dit sur un ton assez frontal pour déclencher un électrochoc à Bruxelles, Berlin et même dans certains cafés de Charleroi.

À gauche, on a crié au « coup de pistolet pour les extrêmes ». À droite, on a surtout regardé ses chaussures.

Bouchez se déchaîne : wokistes, crèches et Père Fouettard dans la ligne de mire

Et pour dissiper tout doute sur son enthousiasme, le président du MR s’est lancé dans une tirade qui ferait pâlir d’envie n’importe quel éditorialiste en mal d’hyperbole :

« Il y a une immigration complètement incontrôlée d’un côté et de l’autre côté, le wokisme, des mouvements de gauche qui considèrent qu’on devrait complètement s’effacer pour ne heurter personne. Sauf qu’à l’arrivée, ceux qu’on heurte, c’est simplement la majorité de la population et ceux qui étaient déjà présents. Qui peut dire que ça n’existe pas ? Qui peut dire que c’est faux ? C’est le quotidien aujourd’hui. C’est le quotidien où on a remis en cause l’interdiction de signes convictionnels dans l’administration mais où, dans le même temps, chaque année on emmerde le Saint-Nicolas selon sa mitre, le Père Fouettard et maintenant ce sont les crèches qui y passent. C’est quelque chose qui est totalement inacceptable et qui est mortel pour nos sociétés. »

Une tirade qui semble vouloir résoudre, en un seul souffle, la crise migratoire, l’avenir du folklore wallon, la laïcité, la mitre de Saint-Nicolas et l’honneur des crèches poussiéreuses des halls communaux.

Le tout emballé dans une rhétorique apocalyptique – mais libérale, nuance.

Bouchez, lui, a préféré regarder dans le miroir.

GLB, l’Américain du Plat pays

« La vérité peut ne pas être agréable, elle n’en reste pas moins la vérité », martèle-t-il. Une formule qui aurait pu sortir du manuel du parfait néo-conservateur, édition 2003, juste avant le chapitre “Comment renvoyer les gens chez eux avec élégance”.

Le chef du MR n’a jamais caché son affection pour les petites phrases qui secouent la porcelaine fédérale. Mais cette fois, il franchit une étape : il valide ouvertement un discours américain ultra-sécuritaire qui considère l’Europe comme un vieux meuble vermoulu.

La Belgique, dans ce diagnostic, ressemble à un tabouret Ikea achevé à moitié.

Bouchez, sourire en coin, semble dire : « Si Trump a raison, alors moi aussi. »

Ce qui, politiquement, est un pari audacieux : en général, en Belgique, on évite de se dire d’accord avec Donald Trump, comme on évite d’avouer qu’on aime la pizza hawaïenne.

« Quand on vient en Belgique… » : la phrase qui sent le test PISA

Le président du MR insiste : « Quand on vient en Belgique, on vient à certaines conditions. Celui qui n’en est pas capable n’a qu’un chemin : partir. »

La formule pourrait figurer sur une brochure d’Eurocratie en burnout, mais elle révèle un glissement assumé. Le libéral réformateur parle désormais comme un ministre de l’Intérieur d’un pays imaginaire où la ligne du bus 38 serait une frontière nationale.

Surtout, la phrase semble oublier un léger détail : la Belgique n’est pas vraiment un pays où tout le monde s’accorde sur les « conditions ». On peine déjà à s’entendre sur l’heure de fermeture des friteries, alors imaginer un consensus sur une vision d’ensemble de l’intégration relève presque de la fiction spéculative.

Bouchez-Trump : convergence ou coïncidence ?

Derrière le clin d’œil provocateur à Trump, Bouchez tente un repositionnement idéologique assumé :

— plus dur sur l’immigration,

— plus amer sur l’Europe,

— plus enthousiaste à dire tout haut ce que d’autres n’osent murmurer qu’en commission fermée.

Certains y verront un alignement tactique sur les émotions du moment. D’autres, une tentative de siphonner l’électorat frileux sans toutefois franchir la ligne rouge de l’extrême droite.

Une sorte de Belgian balancing act, où l’on brandit la fermeté tout en continuant à citer Voltaire.

Ce que dévoile cette séquence

Au fond, la réaction de Bouchez révèle trois choses :

  1. La droite belge cherche un discours plus musclé, quitte à emprunter des formules américaines prêtes à l’emploi.
  2. La Maison Blanche a réussi, en 33 pages, à mettre l’Europe sur la défensive, ce qui n’est pas si fréquent.
  3. Bouchez adore quand tout le pays se met à débattre d’une phrase qu’il a lancée en souriant. Et sur ce point, personne ne peut lui donner tort.

Trump a écrit la musique, Bouchez l’a chantée.

Reste à savoir si l’orchestre belge suivra la partition… ou préfèrera changer de salle de concert.

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