Le Caftan marocain couronné par l’UNESCO : un patrimoine vivant entre mémoire, identité et diplomatie culturelle

Bouchaib El Bazi

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Le Maroc vient d’inscrire une nouvelle page dans l’histoire de sa diplomatie culturelle. Mercredi, à New Delhi, le Comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO a officiellement inscrit le Caftan marocain sur la Liste du Patrimoine immatériel de l’humanité. Une consécration qui dépasse le simple hommage esthétique : elle consacre un savoir-faire séculaire et une identité culturelle profondément enracinée dans l’histoire du Royaume.

Une reconnaissance qui récompense un travail institutionnel de longue haleine

L’inscription du Caftan est le fruit d’années de documentation, de plaidoyer et de coordination, menées sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Dans un contexte mondial où les cultures traditionnelles doivent lutter pour survivre face aux dynamiques de mondialisation, l’UNESCO rappelle ici que certains objets incarnent une mémoire collective essentielle.

Interview  — Dr. Adrian Müller, expert en patrimoine culturel à l’UNESCO

« Le dossier marocain s’est distingué par sa rigueur scientifique et sa profondeur anthropologique. Le Caftan n’est pas seulement un vêtement ; c’est un système social, une histoire vivante, un lien entre générations. Nous avons été impressionnés par la mobilisation des artisans, des académiciens et des institutions culturelles marocaines. »

Un langage social et identitaire

Au-delà de son élégance, le Caftan est un repère. Il raconte une manière de vivre, une vision de la beauté, et une organisation communautaire qui perdure depuis des siècles. Qu’il soit porté dans les salons de Fès, les mariages de Marrakech ou les défilés de Casablanca, il demeure un symbole transversal.

Il est à la fois :

  • Un marqueur d’identité collective,
  • Un héritage artisanal transmis dans les familles,
  • Un témoin des rites sociaux.

Interview  — Zineb El Arabi, maître-artisane à Fès

« Quand j’enseigne à mes apprenties comment broder un Caftan, je ne transmets pas seulement un geste : je transmets une mémoire. Chaque fil raconte un fragment de notre histoire familiale et nationale. »

Entre tradition et modernité : un équilibre délicat

L’inscription à l’UNESCO intervient à un moment où le Caftan connaît une mondialisation rapide. Les créateurs marocains défilent aujourd’hui à Paris, Londres et Dubaï, mais cette visibilité s’accompagne de risques : imitation industrielle, perte des techniques ancestrales, et déconnexion avec les communautés artisanales d’origine.

L’État marocain entend répondre par des mesures concrètes , labellisation du Caftan artisanal, soutien aux coopératives féminines, et création de centres d’archives vivantes.

Interview  — Samir Benjelloun, styliste marocain installé à Paris

« L’inscription à l’UNESCO nous offre un argument puissant pour préserver l’authenticité du Caftan. La haute couture marocaine ne peut exister que si nous protégeons les ateliers traditionnels. Il n’y a pas de modernité possible sans racines solides. »

Un levier de soft power marocain

Au-delà de la reconnaissance culturelle, cette inscription confirme une orientation stratégique de la diplomatie marocaine : investir dans le soft power en valorisant le capital immatériel du pays. Le Caftan, devenu objet de fascination internationale, renforce ce positionnement.

Pour les experts, cette dynamique s’inscrit dans une nouvelle phase où le Maroc articule patrimoine, tourisme, industrie créative et influence diplomatique.

Interview — Pr. Hind Kettani, anthropologue à Rabat

« Le Caftan n’est pas seulement un vêtement traditionnel : il est devenu un récit national partagé et un outil d’influence. À travers lui, le Maroc affirme une identité plurielle, ouverte, enracinée mais tournée vers le monde. »

Un patrimoine qui appartient désormais à l’humanité entière

En rejoignant la Liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO, le Caftan marocain gagne une dimension universelle. Mais cette consécration crée aussi une responsabilité : celle de préserver un art vivant, fragile, façonné par des mains qui perpétuent des gestes séculaires.

Pour le Maroc, c’est une victoire culturelle… mais aussi une promesse. Celle de continuer à protéger ce qui fait sa singularité profonde : un héritage transmis, réinventé, et désormais reconnu à l’échelle mondiale.

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