Bruxelles cherche un gouvernement… et Bouchez cherche un lit politique conjugal

Bouchaib El Bazi

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Il y a des jours où la politique belge ressemble moins à un exercice institutionnel qu’à une thérapie de couple en public. Jeudi matin, Yvan Verougstraete, président des Engagés, a décidé de plonger – littéralement – dans la tentative la plus acrobatique depuis “Good Move” , former une coalition bruxelloise sans le MR.

À peine la nouvelle diffusée que Georges-Louis Bouchez, fidèle à son génie dramatique, s’est chargé de transformer cette annonce en mélodrame shakespearien. Avec, bien entendu, une analogie conjugale dont lui seul a le secret.

Bouchez, l’amoureux politique éconduit

On connaît l’homme pour ses sorties spectaculaires, mais cette fois, le président du MR a brisé un plafond poétique inédit en comparant la composition des majorités à… un lit conjugal.

Déclarant sans trembler : « Je n’apprécierais pas que ma femme aille coucher dans le lit d’un autre certains soirs. Quand on vit avec quelqu’un, on dort ensemble, quoi qu’il arrive. »

À ce niveau-là, ce n’est plus une réaction politique : c’est du Molière.

Mais derrière le théâtre, l’émotion est réelle. Le MR, vainqueur des élections, voit la capitale se reconfigurer sans lui — un affront politique que Bouchez résume par une phrase déjà culte :

« Ça va laisser des traces. »

On imagine aisément le président du MR noter soigneusement chaque “trace” dans un petit carnet bleu roi, sous le titre : “Trahisons et infidélités politiques (tome 1)”.

Verougstraete : “Répéter mille fois la même expérience ? Folie !”

De son côté, le président des Engagés avance avec la gravité d’un chirurgien et l’élégance d’un funambule.

Après 18 mois d’impasse, il propose une “coalition Guinness” , un assemblage inédit de Groen, Vooruit, CD&V, PS, Ecolo, DéFI et Engagés – auxquels il espère ajouter l’Open VLD pour atteindre enfin une majorité.

Une sorte de rainbow coalition… mais sans bleu MR.

Verougstraete assume : « Tenter mille fois la même expérience en espérant un résultat différent, c’est de la folie pure. »

Les psychologues appellent cela la pensée magique. Les Belges appellent cela “former un gouvernement”.

À gauche : libération, ironie et mémoire longue

Le PS, toujours prompt à saluer une dynamique qu’il n’a pas dû déclencher, applaudit la “prise de responsabilité”.

Zakia Khattabi, elle, retrouve soudain une mémoire encyclopédique : « Entendre le MR hurler à la trahison relève de l’amnésie. À Ixelles, ils nous expliquaient qu’on peut gagner les élections sans gouverner. Cela les arrangeait alors ; cela les dérange maintenant. »

Une claque historique, bien placée, bien argumentée, et rappelant que la démocratie belge n’est pas un dîner de gala , c’est un buffet ouvert où chacun prend ce qu’il peut, selon l’heure et les alliances.

Team Fouad Ahidar : “Ce n’est pas un cirque. C’est Bruxelles.”

Au milieu de cette valse institutionnelle, l’équipe de Fouad Ahidar a également tenu à remettre les pendules à l’heure, avec la sobriété musclée qu’on leur connaît : « On ne construit pas une majorité comme on fait une scène de ménage. Bruxelles mérite un gouvernement, pas un spectacle permanent. Si certains veulent jouer au théâtre, qu’ils montent une pièce – mais qu’ils la jouent ailleurs. »

Puis, dans une pique subtile visant Bouchez sans jamais le nommer : « La politique, ce n’est pas une histoire de lit. C’est une histoire de responsabilités. Et à Bruxelles, les responsabilités sont nombreuses… et urgentes. »

Une déclaration sèche, efficace, presque ciselée au scalpel : la marque de fabrique Ahidar.

Open VLD : scepticisme institutionnel

Du côté flamand, le président de l’Open VLD, Frédéric De Gucht, observe le projet avec un flegme typiquement libéral : « Nous n’avons pas pu trouver un accord budgétaire avec le MR. Nous voyons peu de raisons que cela réussisse maintenant. »

En traduction libre : “Bonne chance, mais sans nous, si c’est pour se retrouver dans un budget ‘Good Luck’.”

CD&V : résignés mais présents

Après 550 jours d’efforts inutiles pour inclure le MR, le CD&V vient, presque soulagé, à la table de Verougstraete.

Le député Benjamin Dalle résume l’état d’esprit :

« Bruxelles a urgemment besoin d’un gouvernement pour éviter le shutdown. » On dirait un article du FMI, version Bruxelles-Capitale.

DéFI : constructifs, comme d’habitude

Pour DéFI, la situation est simple :

Bruxelles doit être sauvée, même si cela exige une coalition montée avec des bouts de ficelle, deux indépendants et un rêve collectif.

Sophie Rohonyi insiste : « Il nous faut une double majorité et une réforme structurelle. Nous répondrons présents. » “Nous participerons, mais ne comptez pas sur nous pour porter seuls le piano.”

Un paysage politique bruxellois en recomposition

À la lumière de ces mouvements, la capitale offre un spectacle fascinant :

  • un MR outré, accusant tout le monde de dérive,
  • un parti centriste prêt à risquer son avenir,
  • une gauche rassemblée autour d’un objectif commun rare : “tout sauf Bouchez”,
  • une famille flamande partagée entre scepticisme et pragmatisme,
  • et une région au bord de l’asphyxie budgétaire, cherchant désespérément une majorité fonctionnelle.

La démocratie belge, ce grand laboratoire

Cette crise bruxelloise rappelle une vérité académique trop souvent oubliée , Les systèmes politiques consociationnels – comme celui de la Belgique – vivent d’expérimentations permanentes.

Quand un chemin échoue, on n’en revient pas en arrière , on en invente un autre. C’est précisément ce que tente Verougstraete. C’est précisément ce que redoute Bouchez. Et c’est exactement ce qui fait la beauté… et la lassitude… de la politique belge.

Un lit pour deux ?

En Belgique, il faut parfois un lit king-size pour sept partis, trois indépendants… et un budget structurel dans le rouge.

 

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