Maroc : la fin de l’impunité numérique ou l’art délicat de débrancher le vacarme

Bouchaib El Bazi

Il fallait bien que cela arrive un jour.

Après des années passées à regarder les réseaux sociaux se transformer en un gigantesque souk numérique où l’on vendait de l’indignation au kilo et de la vulgarité en format familial, les autorités marocaines ont fini par actionner le bouton « reset ». Et pas en douceur.

Car ce qui s’est produit ces derniers mois n’a rien d’un simple coup de balai administratif. C’est un tournant, un vrai, un de ceux qu’on écrit en gras dans les éditoriaux. La gestion de la « délinquance digitale », longtemps tolérée comme un bruit de fond inévitable, est devenue une affaire d’État — ou, à tout le moins, de santé publique numérique.

Le cirque TikTok ferme (enfin) ses rideaux

Sbiti, Weld Chinwiya, Moulinex, Ilias El Malki, “Oumi Naïma” et son énergique beau-fils… la liste ressemble à un casting improbable d’un feuilleton loufoque.

Sauf que ces personnages ne jouent pas dans une fiction , ils ont colonisé l’espace numérique marocain avec une persévérance digne d’un coup d’État algorithmique.

À coups d’injures recyclées, de provocations calibrées et d’un bruitage permanent que même un Boeing au décollage aurait jugé excessif, ils ont imposé une esthétique du chaos où le contenu, le vrai, avait disparu sous les débris de la surenchère.

Mais voilà : le Maroc ferme la scène. Le TikTok-show n’est plus une zone franche.

Ceux qui se croyaient protégés par leur popularité découvrent soudain que la célébrité virtuelle ne vaut ni immunité judiciaire, ni droit acquis à l’insolence.

La justice entre en scène — et les internautes applaudissent

L’innovation majeure de ce nouvel acte ?

Le public, longtemps spectateur résigné, s’est mis — surprise ! — à applaudir la police judiciaire.

Oui, les mêmes internautes qui, hier encore, défendaient au nom de la sacro-sainte « liberté d’expression » des contenus oscillant entre la logorrhée et le canular douteux, réclament désormais un nettoyage à haute pression.

Car le numérique était devenu, pour beaucoup, un environnement toxique. Un dépotoir de grossièretés, d’agressivité et de performances honteuses érigées en modèle de réussite.

Les controverses récentes ont rappelé une vérité simple , l’humour n’est pas la vulgarité, la liberté n’est pas la licence, l’engagement n’est pas la provocation stérile.

Certains tombent, d’autres tremblent

Les comparutions devant la justice se multiplient.

Certains influenceurs, déjà empêtrés dans leurs propres exubérances, affrontent aujourd’hui les tribunaux.

D’autres, toujours actifs, avancent à pas de velours, comme des funambules sur un fil qu’ils ont eux-mêmes graissé avec des années de dérapages.

Le message est limpide , Internet n’est pas une république autonome dotée de ses propres lois.

Le numérique marocain cherche sa renaissance

Ce moment marque un passage historique , celui où le Maroc tente de transformer son territoire digital en un espace digne de ce nom — un lieu de débat, de création, d’innovation, et non plus un carnaval permanent.

L’époque où la visibilité suffisait à excuser l’indécence touche à sa fin. Les influenceurs devront assimiler une règle élémentaire , être vu ne signifie pas être au-dessus de tout.

La vraie mise en garde

L’opération de nettoyage ne vise pas seulement ceux déjà tombés dans l’escarcelle judiciaire.

Elle cible surtout les irréductibles qui croient encore que le chaos algorithmique est un modèle économique durable.

L’ère de l’impunité numérique s’achève. Et une nouvelle ère commence , celle où la responsabilité redevient tendance.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.