La “nouvelle stratégie de sécurité nationale” de Donald Trump : un impérialisme décomplexé et une Europe silencieuse

Bouchaib El Bazi

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La publication, cette semaine, de la nouvelle stratégie de sécurité nationale du président américain Donald Trump a suscité un flot de commentaires à Washington… et un silence assourdissant à Bruxelles. Derrière le langage diplomatique et les formules consensuelles, le document trace pourtant une vision du monde brutale, hiérarchisée et fondée sur un impérialisme assumé. L’analyse du député européen Marc Botenga (PTB) éclaire un texte qui redessine les ambitions globales des États-Unis, sans complexes ni faux-semblants.

L’Amérique latine : le retour de la doctrine Monroe

Premier constat , pour l’administration Trump, l’Amérique latine demeure une “arrière-cour” dont Washington entend fixer les règles, les priorités et même les alliances commerciales. Une lecture qui rappelle la vieille doctrine Monroe du XIXᵉ siècle – à peine modernisée.

L’objectif est clair , maintenir le contrôle politique, accaparer les richesses naturelles et ouvrir de nouveaux marchés aux industries d’armement américaines. Une forme de colonialisme “à l’ancienne”, comme le résume Botenga, où l’hégémonie économique se double d’une volonté de verrouillage géopolitique à grande échelle.

Afrique et Moyen-Orient : les ressources avant tout

Si l’Afrique apparaît dans la stratégie américaine, ce n’est ni pour ses populations ni pour ses enjeux de stabilité, mais pour ses ressources “abondantes”. Le Moyen-Orient, longtemps considéré comme vital en raison du pétrole et du gaz, perd relatif intérêt depuis que les États-Unis sont devenus exportateurs d’hydrocarbures. Mais l’objectif demeure : empêcher toute puissance régionale ou externe d’y réduire l’influence américaine.

Dans ces deux régions, la logique est la même , la présence américaine n’est justifiée que par la sécurisation des matières premières et l’architecture stratégique globale.

La Chine : le cœur du dispositif

Le document identifie sans détour la Chine comme la principale menace systémique. Washington ne se contente plus de contrecarrer Pékin, il veut endiguer sa montée en puissance par un contrôle militaire et commercial des routes maritimes et des chaînes d’îles du Pacifique.

L’enjeu est double , préserver l’accès américain aux ressources indispensables à son économie et empêcher la Chine d’étendre son influence hors de sa sphère régionale. La rivalité sino-américaine se trouve ainsi érigée en axe structurant de la politique de sécurité nationale.

L’Europe : un continent vassalisé et docile

L’analyse de Botenga pointe un passage du document particulièrement révélateur , l’Europe est décrite comme un ensemble d’États dont le rôle serait de soutenir la stratégie américaine. Washington exige d’eux qu’ils achètent des armes américaines, assouplissent les règles de protection des données pour faciliter l’hégémonie des BigTech, et qu’ils restent structurellement dépendants des États-Unis sur les plans énergétique, industriel et stratégique.

Plus surprenant encore , l’administration Trump soutient explicitement l’extrême droite européenne, perçue comme un levier utile pour déréguler, affaiblir les politiques sociales et fracturer l’opinion via la question migratoire.

Le silence européen : une abdication stratégique

La réaction – ou plutôt l’absence de réaction – des dirigeants de l’Union européenne interroge. “Si n’importe quel autre pays avait publié un plan pour dominer le monde et déstabiliser l’Europe, Ursula von der Leyen serait devant toutes les caméras”, souligne Botenga. Quand il s’agit des États-Unis, le silence est complet.

Ce mutisme traduit une dépendance structurelle que Bruxelles peine à assumer publiquement, mais dont elle ne parvient pas non plus à se libérer.

Pour une Europe souveraine : diplomatie, non-alignement et diversification

Face à une stratégie américaine qui revendique la domination mondiale, Marc Botenga plaide pour une alternative européenne , ni un alignement servile sur Washington, ni une imitation du modèle américain fondé sur la militarisation et la compétition.

L’Europe dispose déjà des moyens de se défendre. Ce qui lui manque, écrit-il, c’est une diplomatie forte, capable de désamorcer les conflits plutôt que de s’y préparer militairement. Et surtout, la capacité à diversifier ses partenariats internationaux — avec la Chine, l’Inde ou les puissances émergentes du Sud — pour sortir du tête-à-tête asymétrique avec Washington.

Un choix stratégique pour l’Europe

La stratégie américaine de Trump a le mérite de la clarté. Elle expose un monde divisé entre une puissance dominante et des zones d’influence à discipliner. À l’Europe de décider si elle accepte ce rôle subalterne ou si elle revendique, enfin, une autonomie stratégique pleine et entière.

Pour l’heure, les silences de Bruxelles résonnent davantage que ses réponses. Et ce mutisme pourrait bien façonner, à long terme, le futur géopolitique du continent.

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