Kabylie : un 14 décembre sous haute tension entre revendication politique et réaction sécuritaire d’Alger
Bouchaib El Bazi
À la veille du 14 décembre 2025, date annoncée par le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) pour une proclamation unilatérale d’indépendance, la situation se tend entre les autorités algériennes et les responsables kabyles organisés en Gouvernement provisoire (GPK), basé en exil à Paris. L’événement, présenté par ses initiateurs comme un acte politique majeur, intervient dans un contexte régional et diplomatique particulièrement sensible.
Une initiative symbolique aux implications politiques limitées mais réelles
Sur le plan juridique international, la proclamation annoncée n’a pas de portée contraignante. Elle s’inscrit toutefois dans une stratégie politique visant à internationaliser la question kabyle et à attirer l’attention des partenaires occidentaux sur les revendications d’autonomie, voire de souveraineté, portées par une partie de la diaspora.
À Alger, cette initiative est perçue comme une remise en cause directe de l’unité nationale et comme un précédent jugé dangereux dans un pays marqué par des équilibres territoriaux fragiles. Le pouvoir algérien, largement dominé par l’institution militaire, a donc choisi une réponse ferme, combinant mesures sécuritaires internes et actions diplomatiques extérieures.
Mobilisation de la diaspora et crispations en France
Selon plusieurs sources, les autorités algériennes ont encouragé une mobilisation de la diaspora en France, dans la perspective de contre-manifestations destinées à contester toute initiative liée à la proclamation du 14 décembre. Cette dynamique a placé les autorités françaises dans une position délicate, confrontées à la nécessité de garantir la liberté d’expression tout en prévenant d’éventuels troubles à l’ordre public.
La question dépasse en réalité le seul cadre kabyle. Elle interroge plus largement la capacité des États à contenir, sur leur territoire, des conflits politiques importés, dans un contexte de tensions communautaires accrues et de vigilance sécuritaire renforcée.
Verrouillage sécuritaire en Kabylie
En Algérie, la région de Kabylie connaît depuis plusieurs jours un renforcement notable des dispositifs de sécurité. Barrages routiers, contrôles accrus et déploiement de forces supplémentaires ont été signalés par des sources locales. Les autorités justifient ces mesures par la nécessité de prévenir toute tentative de déstabilisation.
Des organisations militantes évoquent, de leur côté, des arrestations ciblées et des restrictions des communications. Ces informations, difficiles à vérifier de manière indépendante, traduisent néanmoins un climat de tension palpable à l’approche de la date annoncée.
Une bataille de récits
Sur le plan médiatique, le pouvoir algérien a opté pour une ligne de fermeté, présentant le MAK et le GPK comme des structures sans légitimité interne, influencées par des intérêts extérieurs. Ce discours vise à délégitimer la démarche kabyle, tout en préparant l’opinion publique à d’éventuelles mesures coercitives.
À l’inverse, les responsables du gouvernement en exil insistent sur le caractère politique et non violent de leur initiative, qu’ils décrivent comme une étape symbolique dans un processus de long terme.
Une échéance à forte valeur politique
Le 14 décembre 2025 ne devrait pas modifier, à court terme, les équilibres institutionnels en Algérie. Il constitue toutefois un marqueur politique important, révélateur des tensions persistantes entre le pouvoir central et une partie de la population kabyle, ainsi que des difficultés du régime à gérer les revendications identitaires autrement que par le prisme sécuritaire.
Pour les observateurs internationaux, cette échéance sera surtout un test , celui de la capacité des différents acteurs à éviter une escalade, dans un contexte où les questions de souveraineté, de droits politiques et de stabilité régionale restent étroitement imbriquées.