Abattoirs à Bruxelles : le compte à rebours est enclenché

Bouchaib El Bazi

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Par-delà une réponse parlementaire, c’est tout un pan de la politique alimentaire et territoriale bruxelloise qui se retrouve à la croisée des chemins.

Bruxelles se rapproche d’une échéance lourde de conséquences. À la suite d’une question parlementaire du député Fouad Ahidar, le ministre-président Rudi Vervoort a levé le voile sur l’avenir incertain des activités d’abattage en Région de Bruxelles-Capitale. Derrière les précisions techniques, se dessine une réalité politique et économique implacable , sans décision rapide, la capitale pourrait bientôt ne plus disposer d’aucun site d’abattage sur son territoire.

Sur le plan juridique, la situation semble, à première vue, stable. L’abattoir d’Anderlecht reste légalement autorisé à fonctionner, son permis d’environnement demeurant valide jusqu’au 4 septembre 2028. Mais cette apparente sécurité masque une contrainte déterminante , toute prolongation de ce permis est conditionnée à l’introduction d’une nouvelle demande au plus tard le 4 septembre 2027. Passé ce délai, aucune reconduction ne sera possible.

Une fenêtre étroite pour des repreneurs hypothétiques

Cette date agit comme une ligne rouge. D’ici là, des repreneurs ou porteurs de projets doivent impérativement se manifester s’ils entendent assurer la continuité de l’abattage à Bruxelles. En l’absence d’initiative concrète, la Région se dirigerait vers une disparition pure et simple de cette activité, avec des conséquences directes sur les filières locales, l’approvisionnement, mais aussi sur certaines pratiques culturelles et religieuses liées à l’abattage.

Or, le contexte n’est guère favorable. L’exploitant actuel a annoncé son intention de réduire progressivement les activités d’abattage, privilégiant à terme la découpe et la transformation d’animaux abattus en dehors de la Région. Un désengagement progressif qui confirme, de facto, le manque de visibilité économique du site.

Manufaktur : la requalification plutôt que la continuité

À cette incertitude s’ajoute le projet urbain Manufaktur, qui prévoit la démolition de l’abattoir existant au profit d’une requalification globale du site , logements, commerces, espaces de loisirs et infrastructures sportives. Si la construction d’un nouvel abattoir sur place n’est pas officiellement exclue, le ministre-président reconnaît lui-même la complexité d’une telle option, entre rareté du foncier, enjeux de mobilité et cohabitation délicate avec de futures fonctions résidentielles.

Le message est clair : l’abattage ne s’inscrit plus naturellement dans la vision urbaine projetée pour ce quartier stratégique d’Anderlecht.

Des alternatives théoriques, sans traduction concrète

Le gouvernement régional affirme avoir identifié plusieurs sites susceptibles, en théorie, d’accueillir de nouvelles infrastructures d’abattage ailleurs en Région bruxelloise. Mais à ce stade, ces pistes demeurent purement exploratoires. Aucune demande de permis n’a été introduite, ni à Anderlecht ni sur d’autres sites potentiels.

Pour Fouad Ahidar, également président de la TFA, les réponses ministérielles ont le mérite de la clarté , l’enjeu est désormais politique autant que technique. Sans impulsion rapide, Bruxelles pourrait externaliser définitivement une activité pourtant stratégique, au risque de dépendre entièrement de structures situées hors de son territoire.

Un choix de société en filigrane

Au-delà des délais administratifs et des permis, la question posée est celle de la place accordée à certaines activités productives dans la ville de demain. Bruxelles veut-elle rester une métropole capable d’assumer l’ensemble de sa chaîne alimentaire, ou accepte-t-elle de reléguer ces fonctions en périphérie, au prix de nouvelles dépendances logistiques et sociales ?

Le compte à rebours est lancé. Et d’ici 2027, l’absence de décision pourrait bien valoir décision par défaut.

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