Good Move à Anderlecht : quand la mobilité recule à pied… sous la pression des klaxons

Bouchaib El Bazi

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À Anderlecht, le plan de mobilité « Good Move » vient de découvrir une nouvelle variable d’ajustement , la rue. Pas celle que l’on piétonnise, mais celle qui proteste, pétitionne et finit par se faire entendre. Résultat : « Good Move 2 » est amendé, « Good Move 3 » est rangé au placard à Cureghem, et la mobilité bruxelloise ajoute un nouveau chapitre à son grand roman de l’improvisation urbaine.

Jeudi soir, au conseil communal, le message était clair , face à 150 habitants rassemblés devant l’hôtel communal, à plus de 7.000 signatures et à une pression politique devenue difficilement contournable, la commune a décidé de lever le pied. Ou plutôt, de remettre la voiture sur la route.

Consultation citoyenne… après le chantier

L’échevine de la Mobilité, Halinah Benmrah (MR), a annoncé une « large consultation populaire » à Cureghem. Une initiative saluée, même si certains riverains s’interrogent sur le timing , consulter après le lancement des travaux, c’est un peu comme demander l’avis du patient une fois l’opération terminée.

Sur le fond, les ajustements sont significatifs. La chaussée de Mons conservera son double sens de circulation, les places de stationnement resteront intactes — un mot devenu presque subversif dans le lexique de Good Move — et le pont Marchand sera rouvert aux automobilistes. La rue Gouverneur Nens, elle, restera à sens unique « pour fluidifier le trafic », expression désormais utilisée comme un mantra dans les conseils communaux bruxellois.

Good Move 3 : le plan fantôme

Mais la véritable annonce, celle qui a fait soupirer de soulagement commerçants et habitants, concerne « Good Move 3 ». Le projet, qui prévoyait un vaste piétonnier, la fermeture de plusieurs axes et la suppression de plus de 250 places de stationnement, est officiellement suspendu du côté des Goujons.

Suspendu, pas abandonné — nuance importante dans la grammaire administrative. À Bruxelles, un projet suspendu n’est jamais vraiment mort : il hiberne, en attendant des jours politiquement plus cléments.

Une unanimité politique… rare et révélatrice

Fait notable, une motion soutenue par une coalition allant du PS au MR, en passant par Les Engagés, le PTB et Team Fouad Ahidar, a été adoptée pour exiger la réouverture immédiate du pont Marchand à tous les modes de transport. Une unanimité transpartisane qui en dit long sur le degré de saturation — routière et politique — du dossier.

Quand la gauche radicale et la droite libérale se retrouvent pour défendre la fluidité automobile, c’est que le plan de mobilité a probablement raté quelque chose dans sa lecture du terrain.

Le syndrome Good Move : penser la ville sans ses habitants

Officiellement, la majorité communale parle d’« adaptation aux réalités locales ». Officieusement, cet épisode illustre une faiblesse structurelle du plan Good Move : une vision souvent perçue comme descendante, technocratique, et déconnectée des usages réels dans des quartiers populaires et densément peuplés comme Cureghem.

La mobilité durable ne se décrète pas à coups de barrières nocturnes et de suppressions massives de stationnement. Elle se construit, lentement, avec les habitants — y compris ceux qui n’ont pas d’autre choix que leur voiture pour travailler, livrer ou simplement vivre.

À Anderlecht, Good Move n’est donc pas mort. Mais il avance désormais avec prudence, un œil sur les cartes de circulation, l’autre sur la rue. Et surtout, avec une leçon apprise à ses dépens : à Bruxelles, même la mobilité doit parfois faire demi-tour.

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