CAN 2025 : quand le football devient un instrument d’influence et de diplomatie douce pour le Maroc

Bouchaib El Bazi

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Le coup d’envoi de la 35ᵉ édition de la Coupe d’Afrique des nations, donné le 21 décembre 2025 lors d’une cérémonie d’ouverture de haut niveau présidée par le prince héritier Moulay El Hassan, ne relève pas d’un simple rituel sportif. Il marque, au contraire, une séquence stratégique dans le positionnement du Maroc sur l’échiquier africain, où le football s’impose désormais comme un levier de diplomatie douce, de rayonnement politique et de projection économique.

Depuis plusieurs années, le Royaume a fait le choix assumé d’intégrer le sport, et particulièrement le football, au cœur de sa stratégie d’influence. Loin de la logique événementielle, l’organisation de la CAN 2025 s’inscrit dans une vision globale où la réussite sportive et organisationnelle devient un vecteur de crédibilité institutionnelle et un outil de consolidation du leadership régional. Dans un continent marqué par une compétition croissante entre puissances d’influence, le Maroc mise sur l’attractivité plutôt que sur la confrontation.

Le football s’impose comme un langage d’influence et un outil de repositionnement stratégique du Maroc en Afrique

Pour Fouzi Lekjaa, ministre délégué chargé du Budget et président de la Fédération royale marocaine de football, le football a définitivement dépassé le cadre du spectacle et de la performance ponctuelle. Il constitue aujourd’hui un véritable moteur de développement social et économique, notamment pour la jeunesse, en créant de l’emploi, en attirant l’investissement et en renforçant l’image internationale du pays. Cette approche traduit une volonté de bâtir un écosystème sportif intégré, connecté aux politiques publiques et aux dynamiques économiques.

Cette lecture est partagée par le chercheur en droit public et en sciences politiques Hicham Lefkih, pour qui la CAN 2025 illustre un changement qualitatif dans le rôle du Maroc sur la scène continentale. La présence institutionnelle de haut niveau lors de l’ouverture, souligne-t-il, révèle que l’État marocain considère désormais le sport comme un choix souverain, pleinement intégré à ses instruments de politique extérieure. Le succès organisationnel devient ainsi un message politique implicite, fondé sur la stabilité, la fiabilité et la capacité à honorer les engagements africains.

Au-delà du symbole, l’ampleur des investissements confirme la profondeur de cette stratégie. Près de 150 milliards de dirhams ont été mobilisés pour moderniser les infrastructures de transport, les stades, les aéroports et les réseaux routiers, dans le cadre d’une préparation conjointe à la CAN 2025 et à la Coupe du monde 2030. Selon les autorités, ces investissements s’inscrivent dans une logique de long terme, fondée sur des mécanismes de financement innovants et des partenariats multi-niveaux, sans pression supplémentaire sur le budget public.

Sur le plan institutionnel, cette dynamique s’accompagne d’un effort soutenu de réforme et de gouvernance. Depuis 2009, le Maroc a engagé une modernisation de son arsenal juridique sportif, avec l’adoption de lois encadrant l’éducation physique, la lutte contre le hooliganisme, le dopage et la professionnalisation du secteur. Le président de la Chambre des représentants, Rachid Talbi Alami, souligne que cette orientation relève d’une vision royale globale, qui conçoit le sport comme un pilier de la modernisation, de la cohésion sociale et du rayonnement international.

Les retombées économiques attendues renforcent encore la pertinence de ce choix stratégique. Les estimations évoquent l’arrivée de 500 000 à un million de visiteurs étrangers supplémentaires durant la compétition, générant des dépenses comprises entre 450 millions et 1,2 milliard de dollars, principalement dans le tourisme, l’hôtellerie, les transports et les services. À cela s’ajoutent les revenus issus des droits de diffusion et du sponsoring, dont une part significative devrait bénéficier au Maroc.

En définitive, la CAN 2025 apparaît moins comme une simple compétition continentale que comme une vitrine de la diplomatie sportive marocaine. En plaçant le football au service d’une stratégie d’influence structurée, le Royaume entend consolider son image de puissance organisationnelle crédible, de partenaire africain fiable et d’acteur capable de conjuguer soft power, développement et ambition géopolitique à long terme.

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