Kabylie : l’émergence d’un dossier sensible dans les cercles diplomatiques occidentaux

Bouchaib El Bazi

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La question de la Kabylie semble progressivement sortir de son confinement militant pour s’inscrire, à bas bruit, dans certains espaces institutionnels occidentaux. Sans reconnaissance formelle ni inflexion officielle, les signaux qui émanent de plusieurs capitales suggèrent néanmoins un intérêt croissant pour un dossier longtemps considéré comme exclusivement interne à l’Algérie.

Le 10 décembre 2025, à la Chambre des communes britannique, le député Jim Shannon (Parti unioniste démocrate) a interrogé le ministère britannique des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement sur les informations détenues par Londres concernant une éventuelle déclaration d’indépendance de la Kabylie par le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK).

La réponse, formulée le 19 décembre par le député travailliste Hamish Falconer au nom du Foreign Office, se distingue par sa clarté factuelle. Les autorités britanniques ont confirmé avoir été informées à l’avance de l’intention du MAK de proclamer l’indépendance de la Kabylie le 14 décembre, ce qui s’est effectivement produit. Londres renvoie par ailleurs à des prises de position antérieures sur la situation régionale et précise suivre « de près » l’évolution des événements.

Cette formulation, volontairement prudente, n’implique aucune reconnaissance politique. Elle n’en constitue pas moins un fait diplomatique. Dans un contexte international marqué par une attention accrue aux revendications identitaires, aux tensions centre-périphérie et aux fragilités étatiques, l’inscription de la Kabylie dans un débat parlementaire occidental confère au dossier une visibilité nouvelle, difficile à ignorer.

Pour les autorités algériennes, ce type de signal est loin d’être anodin. Il intervient alors que le pouvoir central multiplie les discours sécuritaires et les mesures judiciaires à l’encontre de toute expression autonomiste ou indépendantiste, renforçant ainsi la dimension internationale d’un conflit qu’Alger continue de qualifier de strictement domestique.

Du point de vue géopolitique, la stratégie du MAK et de l’Anavad apparaît clairement orientée vers une internationalisation progressive du dossier kabyle. L’objectif n’est pas tant une reconnaissance immédiate — hautement improbable à court terme — que l’installation durable de la question kabyle dans les radars diplomatiques, parlementaires et médiatiques occidentaux. Une tactique déjà observée dans d’autres contextes sécessionnistes, où la reconnaissance finale est précédée d’une longue phase de normalisation politique du débat.

Reste que les obstacles demeurent considérables. Le principe de l’intégrité territoriale reste la pierre angulaire de l’ordre international, particulièrement lorsqu’il s’agit d’États stratégiques en Afrique du Nord. Toute évolution dépendra autant de la capacité du mouvement kabyle à structurer un projet politique crédible que des rapports de force régionaux, des équilibres énergétiques et du positionnement des grandes puissances vis-à-vis de l’Algérie.

À ce stade, la Kabylie ne s’impose pas encore comme un enjeu diplomatique majeur, mais elle cesse progressivement d’être invisible. Et, en géopolitique, le simple fait d’exister dans les agendas parlementaires constitue souvent la première étape d’un processus bien plus long, aux conséquences potentiellement lourdes.

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