Chronique | Le dinar en sac plastique
Il existe des sommets diplomatiques, des discours solennels… et puis il y a ces moments minuscules où la réalité, sans prévenir, ridiculise tout un récit officiel. Dans un bureau de change marocain, un supporter algérien a récemment offert une chronique économique involontaire , une leçon de macroéconomie tenue dans un sac plastique.
À gauche, quelques billets de dirhams marocains, légers, ordonnés, presque polis. À droite, une masse compacte de dinars algériens, entassés sans élégance, nécessitant non pas un portefeuille, mais une logistique de marché hebdomadaire. L’image est cruelle, mais elle est surtout parlante , ici, la monnaie ne se compte plus, elle se transporte.
Ce sac gonflé n’est pas un excès folklorique, c’est le symptôme d’une inflation qui a transformé le dinar en unité de volume. Plus il y en a, moins il vaut. Une loi économique simple, mais apparemment incompatible avec les communiqués officiels célébrant une « économie résiliente » et une « puissance régionale » en pleine forme.
La satire, dans ce cas précis, n’a pas besoin d’efforts. Elle s’impose d’elle-même. Car pendant que le discours promet la solidité, le quotidien impose le bricolage : empiler les billets, remplir les sacs, compter en liasses plutôt qu’en pouvoir d’achat. Le citoyen devient manutentionnaire de sa propre monnaie.
Face à cela, le dirham marocain joue un rôle ingrat mais efficace , celui du révélateur. Discret, maniable, il rappelle qu’une monnaie n’a pas vocation à impressionner par son volume, mais à servir par sa crédibilité. Le contraste n’est pas une provocation, c’est un miroir. Et comme tout miroir honnête, il dérange.
Cette scène n’est pas une humiliation nationale, encore moins une moquerie gratuite. Elle est une satire involontaire, produite par le réel, contre un récit économique trop longtemps entretenu à coups de slogans. Les monnaies, elles, ne lisent pas les communiqués. Elles traduisent fidèlement la confiance, l’inflation et les choix structurels.
Au final, ce sac plastique n’est pas un détail gênant. C’est une chronique à lui seul. Une chronique qui rappelle une vérité simple , quand la propagande promet la puissance, mais que la monnaie exige un sac, c’est rarement la réalité qui exagère.