CAN : quand la qualification du Maroc met le feu… très loin du stade

Bouchaib El Bazi

Lundi soir, à 21h50 précises, l’arbitre siffle la fin du match Zambie–Maroc. Sur le terrain, tout est clair, propre, maîtrisé : victoire 3–0, sept points au compteur, première place du groupe, et un billet pour les huitièmes de finale de la Coupe d’Afrique des Nations validé sans trembler. Une qualification nette, sans bavure, presque scolaire.

À plusieurs milliers de kilomètres de là, à Bruxelles, la lecture de l’événement semble avoir suivi un scénario sensiblement différent.

Car pendant que les Lions de l’Atlas faisaient parler la rigueur tactique et l’efficacité offensive, certains supporters ont choisi d’exprimer leur joie selon un registre plus… pyrotechnique. Dans le quartier des Étangs Noirs — ce laboratoire permanent du vivre-ensemble bruxellois — la soirée a rapidement quitté le terrain du football pour celui, beaucoup moins réglementé, de la performance urbaine improvisée.

Scooters en libre circulation, feux d’artifice tirés à hauteur d’homme, poubelles transformées en braseros collectifs et, clou du spectacle, apparition fugace d’une Kalachnikov brandie comme un accessoire festif : la qualification marocaine a donné lieu à une mise en scène qui aurait sans doute surpris jusqu’aux joueurs eux-mêmes. À Rabat, on célébrait une victoire ; à Bruxelles, certains semblaient célébrer l’abolition temporaire du code pénal.

Selon la police de la zone Bruxelles-Ouest, environ 200 personnes se sont rassemblées peu après 22 heures. « Au début, c’était festif », précise prudemment le porte-parole. Une formule désormais classique, presque rituelle, dans le lexique institutionnel belge. La fête, donc, avant de muter — comme souvent — en hostilité ouverte, nécessitant l’intervention de plusieurs zones de police, l’exploitation des caméras de surveillance et l’ouverture d’une enquête. À ce stade, aucun interpellé, mais un procès-verbal soigneusement rédigé, comme pour rappeler que l’État observe, même quand il n’agit pas immédiatement.

Fait notable : aucun blessé n’est à déplorer. Une donnée qui permet à chacun de respirer, tout en comptabilisant huit autres interventions des pompiers pour des incendies extérieurs disséminés dans la région. Une soirée finalement « maîtrisée », si l’on adopte une définition très souple du terme.

Ce décalage entre le sérieux d’une équipe nationale en pleine démonstration de maturité sportive et l’agitation incontrôlée de certaines célébrations diasporiques interroge. Le Maroc gagne avec méthode, discipline et sang-froid. Une partie de ses supporters, elle, semble préférer une dramaturgie plus bruyante, plus inflammable, et surtout bien éloignée de l’image que renvoie aujourd’hui la sélection sur les pelouses africaines.

À quelques jours du Nouvel An — traditionnel stress-test pour les services d’urgence bruxellois — et à l’approche du prochain match du Maroc, prévu le 4 janvier, la question n’est donc plus seulement sportive. Elle est aussi urbaine, sociale et symbolique : comment célébrer une victoire sans transformer chaque succès footballistique en exercice grandeur nature de gestion de crise ?

Une chose est sûre , sur le terrain, le Maroc avance sans faire de vagues. Dans certaines rues européennes, en revanche, la qualification semble encore se fêter à coups d’étincelles. Et parfois, de flammes.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.