CAN 2025 : quand le tirage au sort sourit… et quand il montre les crocs

Bouchaib El Bazi

Dans une Coupe d’Afrique des Nations, le tirage au sort n’est jamais un simple exercice administratif. C’est un acteur à part entière : parfois bienveillant, parfois cruel, souvent ironique. L’édition marocaine de 2025 en offre une illustration presque pédagogique. D’un côté, le Maroc et l’Égypte avancent sur un tapis rouge. De l’autre, l’Algérie, la Tunisie et le Soudan se voient rappeler que le football africain n’a jamais aimé les parcours linéaires.

Maroc et Égypte : le huitième comme formalité maîtrisée

Pays hôte, favori assumé et équipe installée dans le dernier carré continental depuis plusieurs années, le Maroc a traversé la phase de groupes avec l’assurance de ceux qui savent où ils vont. Sept points, une maîtrise tranquille, peu de bruit inutile. En guise de récompense, la Tanzanie, valeureuse débutante à ce stade de la compétition, mais encore en apprentissage du très haut niveau.

Sur le papier, le football aime parler d’équilibre. Sur le terrain, les “Lions de l’Atlas” cumulent tous les avantages structurels : public, connaissance des pelouses, profondeur d’effectif et références récentes sans ambiguïté. Même le sélectionneur tanzanien, encore porté par l’exploit historique de la qualification, a laissé entendre que l’effort mental avait été presque aussi intense que les matches eux-mêmes. Autrement dit, le Maroc aborde ce huitième davantage comme une étape obligée que comme un obstacle.

L’Égypte suit un scénario similaire, fidèle à son ADN : efficacité, gestion, et science des tournois. Face au Bénin, les Pharaons ne promettent pas un feu d’artifice, mais ils offrent ce que les grandes compétitions exigent : du contrôle. Sous la houlette de Hossam Hassan, et avec un secteur offensif capable de faire basculer un match sur une seule accélération, Le Caire avance sans trembler, fidèle à son statut de référence continentale.

Algérie : une première place… sans cadeau

Le contraste est frappant. L’Algérie a terminé en tête de son groupe, mais a hérité d’un huitième de finale qui ressemble davantage à un quart anticipé. La République démocratique du Congo n’est pas un invité poli : c’est une équipe dense, expérimentée, qui ne s’encombre pas de complexes lorsqu’il s’agit d’affronter un favori.

Certes, les “Verts” ont évité le piège sénégalais à ce stade. Mais le message du tirage est clair : la route vers un troisième sacre ne sera ni courte, ni indulgente. Pour l’Algérie, ce match est déjà un révélateur. Non pas de son talent — connu — mais de sa capacité à s’imposer quand le décor cesse d’être confortable.

Tunisie : qualifiée, mais sous condition

La Tunisie, elle, s’est qualifiée sans vraiment convaincre. Une entame prometteuse, suivie d’un effondrement partiel contre le Nigeria et d’un nul frustrant face à la Tanzanie. Résultat : un huitième de finale contre le Mali, l’une des formations les plus rigoureuses et athlétiques du tournoi.

Le constat lucide de Sami Trabelsi après la phase de groupes n’était pas un exercice de communication, mais un diagnostic. À ce niveau, jouer “en dessous de la moyenne” n’est pas une stratégie, c’est un risque. Et face au Mali, la Tunisie devra changer de visage, sous peine de voir son aventure s’achever sans appel.

Soudan : le courage face à la réalité

Le Soudan, champion d’Afrique en 1970, retrouve les matches à élimination directe avec une détermination saluée par tous. Mais la récompense est sévère. Deux options seulement : le Sénégal, champion en titre, ou le leader d’un groupe comprenant le Cameroun et la Côte d’Ivoire.

Ici, les calculs n’ont plus de sens. Le Soudan avancera sans filet, porté par une seule certitude : dans une CAN, l’audace est parfois le dernier refuge des outsiders.

Cinq sélections arabes qualifiées pour les huitièmes de finale : un record historique qui confirme le poids croissant de cette aire géographique dans le football africain. Mais derrière le chiffre flatteur, une réalité s’impose. Toutes les qualifications ne se valent pas.

Le Maroc et l’Égypte entrent dans la phase décisive avec confort et sérénité. L’Algérie, la Tunisie et le Soudan, eux, y entrent par la porte du test, celui qui sépare les prétendants crédibles des simples survivants de la phase de groupes.

Comme souvent, la Coupe d’Afrique commence réellement maintenant. Et elle n’a jamais eu la réputation d’être indulgente.

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