À Genève, un plaidoyer international en faveur du droit au retour : entre tragédie sahraouie et drame palestinien

Bouchaib El Bazi

Genève – En marge de la 59e session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, un événement parallèle de haut niveau s’est tenu à l’hôtel N’VY, réunissant experts, militants et juristes autour d’un thème universel et douloureusement actuel , le droit au retour librement consenti des réfugiés, qu’ils soient sahraouis, palestiniens ou issus d’autres zones de conflit.

Intitulée « The Right of Return », cette rencontre co-organisée par plusieurs organisations internationales a mis en lumière deux des situations les plus emblématiques du non-respect de ce droit , celle des réfugiés sahraouis dans les camps de Tindouf, en Algérie, et celle des Palestiniens en exil depuis 1948.


Les camps de Tindouf sous les projecteurs : violations, captivité et silence international

Plusieurs intervenants ont dénoncé la situation alarmante dans les camps de Tindouf, décrits comme une enclave de non-droit. Le juriste turc Mehmet Şükrü Güzel a été particulièrement incisif, qualifiant les agissements du Front Polisario de crimes contre l’humanité, évoquant des déportations forcées, une privation de libertés fondamentales, et un contrôle idéologique renforcé.

Il a critiqué la gestion de la question du Sahara par l’ONU, regrettant son inscription dans le processus de décolonisation, qu’il juge inadapté. Il a aussi dénoncé l’admission de la « RASD » à l’Union africaine comme une entorse à la Charte des Nations unies.

Gajmoula Boussif, ancienne militante sahraouie et témoin de terrain, a exposé la condition dramatique des femmes dans les camps, soumises à des mariages forcés, violences sexuelles et un endoctrinement généralisé. Elle a dénoncé la manipulation du programme « Vacances en paix », présenté comme une action humanitaire, mais utilisé à des fins de propagande et de démembrement familial.

Ignacio Ortiz, spécialiste en droit international, a de son côté présenté des cas documentés de torture, disparitions forcées et répression politique. Il a tenu à souligner la responsabilité directe de l’État algérien, pays hôte, pour avoir délégué le contrôle des camps à un groupe armé sans mandat légitime. Il a également rappelé que les premiers crimes contre la population sahraouie datent de la fin de l’ère coloniale espagnole, évoquant recrutements forcés et transferts délibérés vers les camps.


Palestine : un droit au retour en suspens

Le cas palestinien a été abordé à travers le prisme de l’exil forcé et de la reconstruction. Ayman Okeil, intervenant depuis l’Égypte, a dénoncé la situation dramatique à Gaza, marquée par des destructions massives, des déplacements de populations, et une violation systématique des droits humains fondamentaux. Il a réaffirmé que le droit au retourconstitue un pilier essentiel de la justice internationale, au même titre que la reconstruction dans le respect du droit international.


Témoignages de résilience et appels à l’action

Bruce Wong, entrepreneur australien et ancien réfugié cambodgien, a livré un témoignage émouvant sur son parcours d’exil et de reconstruction. Fondateur d’une ONG active en Asie, il a insisté sur l’éducation comme clé de la dignitépour les réfugiés, plaidant pour des ponts entre les peuples au lieu de murs.

De son côté, la militante suisse Hülya Kurt a offert une analyse globale de la condition des réfugiés dans le monde , exclusion, humiliation, manque d’intégration réelle. Elle a appelé à des politiques d’autonomisation, en particulier pour les femmes réfugiées, et au rôle accru de la société civile.


Un final bouleversant : images d’un exil sans fin

L’événement s’est clôturé sur la projection d’une vidéo poignante récemment diffusée sur les réseaux sociaux. On y voit des familles sahraouies fuyant les camps de Tindouf, criant leur désir de retourner au Maroc, leur pays d’origine, après le massacre du 9 avril 2025, perpétré contre des chercheurs d’or sahraouis par des éléments de l’armée algérienne.

Les images montrent des civils implorant les soldats algériens de ne pas tirer, dans une scène à la fois déchirante et révélatrice de la soif de liberté et de dignité qui anime ces populations, enfermées depuis des décennies dans un conflit gelé et souvent oublié.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.