Quand le président du CMB implore les Diyanet : chronique d’une supplique institutionnelle sous parfum d’encens froid
Bouchaib El Bazi
Il y a des lettres qui respirent la diplomatie. D’autres transpirent la panique élégante. Celle envoyée récemment par Hassan El Bouchttaoui, président du Conseil musulman de Belgique (CMB), aux responsables de la Diyanet et à la BIF , appartient clairement à cette deuxième catégorie , une œuvre de haute voltige administrative où la supplication se déguise maladroitement en fraternité institutionnelle.
En lisant la missive, on pourrait croire assister à un imam prononçant une khutba sur la patience — sauf que, cette fois, c’est le président d’une institution belge qui implore à voix basse : « S’il vous plaît, venez travailler avec nous… même si vous refusez depuis des années… même si vous ne voulez pas d’un organe imposé par un ancien ministre de la Justice… même si vous préfériez avaler un minbar plutôt que de siéger à nos côtés. »
Le CMB, version “tabula pas vraiment rasa”
Le président commence par un exercice d’humilité olympique :
— « Je n’ai rien à voir avec les conflits du passé », affirme-t-il, comme si le simple fait de le dire suffisait à effacer vingt ans de bras de fer entre le CMB, les gouvernements belges successifs, les fédérations turques, marocaines, albanaises et les imams qui rêvent d’une administration religieuse qui ne change pas de direction plus souvent qu’une mosquée change de moquette.
Il précise d’ailleurs avoir été élu presque par accident — un peu comme ces secrétaires de classe qui se retrouvent présidents du comité simplement parce qu’ils étaient les seuls à ne pas se cacher sous la table quand l’enseignant a demandé un volontaire.
“On ne vide rien, promis” : le CMB cherche des invités pour sa maison quasi vide
La lettre multiplie les garanties, comme un vendeur d’assurance stressé :
- Pas de tabula rasa, jure El Bouchttaoui. Traduction : oui, nos bâtiments sont vides politiquement, mais on ne va quand même pas les raser — venez juste remplir les chaises.
- Flexibilité statutaire totale : on peut agrandir l’assemblée générale, le conseil d’administration, les bureaux, les couloirs… Tout ce que vous voulez, on vous le donne.
- Représentation sur mesure : dites-nous combien de sièges vous voulez, on ajuste.
En réalité, le message ressemble à un cri étouffé : « Prenez le volant, prenez les clés, prenez même la voiture, mais de grâce, reconnaissez que nous existons encore ! »
Un contexte embarrassant , personne ne veut toucher au “CMB 2.0 imposé par l’État”
Ce n’est un secret pour personne :
- La Diyanet ne veut pas participer.
- Les Albanais et les turques ne veulent pas participer.
- Une partie significative des mosquées belges non plus.
- Même le fantôme de l’ancien ministre de la Justice semble lever les yeux au ciel en lisant la lettre.
Ce refus collectif n’a rien de mystérieux , le CMB “réhabilité” sent encore la peinture fraîche d’une institution réorganisée d’en haut, sous la pression politique. Un parfum d’ingérence étatique persiste, et tout le monde fait semblant de ne pas reconnaître la marque du diffuseur.
La procédure au Conseil d’État : l’éléphant assis au milieu de la mosquée
Avec une sérénité quasi mystique, El Bouchttaoui tente de convaincre que la procédure en cours devant le Conseil d’État n’est qu’un petit détail cosmique.
« Le progrès de la communauté est plus important que tout litige juridique », écrit-il d’un ton presque poétique. Comme si un organe religieux pouvait sereinement “représenter” les musulmans alors que sa propre légitimité est devant les juges, suspendue au-dessus d’un couscous bouillant.
Un appel à l’unité qui ressemble à un SOS
En clôturant sa lettre, le président du CMB exhorte tout le monde à agir pour “l’avenir de la communauté musulmane de Belgique”. Ce qui, sur le papier, sonne noble.
Mais dans le contexte actuel, la phrase ressemble plutôt à :
« Aidez-nous avant que le gouvernement ne demande un troisième reboot du CMB… ou décide de dire que l’islam belge, finalement, peut se gérer comme un centre culturel sans chauffage. »
Le CMB espère donc une réponse positive.
La Diyanet et les autres fédérations, elles, espèrent surtout qu’on arrête de leur envoyer des invitations au dialogue sous forme de bouteilles à la mer.